Thèse soutenue

Hypothèse d'un référentiel spatial commun au droit-devant soi et à la verticale gravitaire : approches observationnelle et expérimentale

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Auteur / Autrice : Rémi Lafitte
Direction : Dominic Pérennou
Type : Thèse de doctorat
Discipline(s) : Sciences cognitives, psychologie et neurocognition
Date : Soutenance le 01/06/2023
Etablissement(s) : Université Grenoble Alpes
Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale ingénierie pour la santé, la cognition, l'environnement (Grenoble ; 1995-....)
Partenaire(s) de recherche : Laboratoire : Laboratoire de psychologie et neurocognition (Grenoble ; Chambery ; 1996?-....)
Jury : Président / Présidente : Michel Guerraz
Examinateurs / Examinatrices : Philippe Azouvi, Christian Graff
Rapporteurs / Rapporteuses : Carine Colent Michel, Étienne Allart

Résumé

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Divers systèmes de coordonnées sont élaborés par le cerveau pour apprécier la position et l’orientation des objets par rapport à soi-même et à l'environnement. Le droit-devant soi et la verticale gravitaire constituent à ce titre des référentiels spatiaux très importants. Il est aujourd’hui admis que le cerveau code la direction de ces référentiels via des mécanismes d’intégration sensorielle impliquant la vision, la somesthésie et le système vestibulaire. La perturbation de ces mécanismes après lésion hémisphérique droite induit des déficits perceptifs et représentationnels en plusieurs dimensions : d’une part un biais du droit-devant subjectif vers la droite, fortement associé à la négligence spatiale, et d’autre part un biais de la verticale subjective vers la gauche (dans le sens anti-horaire), fortement associé à des troubles d’orientation posturale (latéropulsion). De récentes données cliniques ont montré une association très forte chez ces mêmes patients entre négligence spatiale, biais de verticale subjective et latéropulsion. Ces évidences cliniques suggèrent l’hypothèse d’un référentiel spatial commun à la perception du droit-devant soi et de la verticale gravitaire. Ces associations cliniques doivent toutefois être étayées sur le plan expérimental. L'objectif général de cette thèse était donc de mettre à l’épreuve cette hypothèse de « référentiel commun ». Dans une première série d’études cliniques, nous avons approfondi l’investigation du lien entre négligence spatiale et biais de verticale subjective, en utilisant des mesures cliniques directes (Etude 1 : tests de négligence, tests de verticale perçue) et indirectes (Etude 2 : tests d’écriture et de dessin) de ces déficits chez l’individu avec lésion hémisphérique droite. Nous avons observé que les patients avec des biais transmodaux de verticale (visuel et postural) présentaient systématiquement des signes de négligence spatiale, et que les patients avec des inclinaisons anormales de l’écriture et du dessin présentaient une négligence spatiale et un biais de verticale subjective particulièrement sévères. Dans une seconde série d’études expérimentales, nous avons testé notre hypothèse chez l’individu sain en évaluant si des stimulations sensorielle/sensori-motrice (Etude 3) biaisaient à la fois la perception du droit-devant et de la verticale. Nous avons également contrôlé si la verticale subjective partageait ou non des processus communs avec l’orientation latéralisée de l’attention, connue pour interagir avec le droit-devant subjectif (Etude 4). Les résultats de l’Etude 3 ont suggéré un effet modeste de l’adaptation prismatique sur la verticale visuelle, observé dans deux expériences indépendantes. L’Etude 4 a montré que le déplacement latéral de l’attention, via un paradigme de type Posner, biaisait la perception de l’axe gauche-droite mais pas celle de la verticale visuelle. Dans l’ensemble, ces résultats mitigés suggèrent que le cerveau élabore des représentations du droit-devant soi et de la verticale gravitaire via des bases neurales anatomiquement très proches, mais sous-tendant des mécanismes d’intégration sensorielle probablement distincts. Cette forte proximité anatomique pourrait expliquer pourquoi l’adaptation prismatique, connue pour moduler la perception égocentrée, modulait aussi, de façon minime, la perception gravitocentrée chez le sujet sain. Dans cette perspective, il serait intéressant d’investiguer l’effet thérapeutique de l’adaptation prismatique sur les biais de verticale subjective après lésion hémisphérique. Nos résultats encouragent aussi les cliniciens à dépister les inclinaisons pathologiques d’écriture et de dessin après lésion hémisphérique droite, afin d’anticiper au plus tôt d’éventuels signes de négligence spatiale et de latéropulsion.