Thèse soutenue

Penser la communauté dans la postmodernité : polyphonies romanesques (Patrick Chamoiseau, Joao Ubaldo Ribeiro, Toni Morrison, Thomas Pynchon, Roberto Bolano)

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Auteur / Autrice : Camille Thermes
Direction : Delphine Rumeau
Type : Thèse de doctorat
Discipline(s) : Lettres et arts spécialité littérature générale et comparée
Date : Soutenance le 01/12/2023
Etablissement(s) : Université Grenoble Alpes
Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale langues, littératures et sciences humaines (Grenoble, Isère, France ; 1991-....)
Partenaire(s) de recherche : Laboratoire : Laboratoire Arts et pratiques du texte, de l’image, de l’écran et de la scène (Grenoble)
Jury : Président / Présidente : Emmanuel Bouju
Examinateurs / Examinatrices : Yolaine Parisot, Raúl Caplán
Rapporteurs / Rapporteuses : Tiphaine Samoyault, Henri Garric

Mots clés

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Résumé

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Lorsque l’Histoire impose ses traumatismes, le roman peut être le lieu pour penser les mutations du monde, des représentations et des pratiques politiques. À une époque où l’importance de l’autonomie individuelle et la méfiance envers les « métarécits » (Lyotard) rendraient caduque une pensée politique du commun, cette thèse veut montrer que la littérature est toujours en mesure de penser la communauté, son organisation et ses perspectives. Le roman en particulier parvient à se saisir des changements qui affectent nos rapports au temps pour renouveler sa propre forme et nos visions du commun. La dimension américaine du corpus (États-Unis, Chili, Brésil, Martinique), nous donne la possibilité d’examiner de manière efficace différentes actualisations du concept de communauté.Ce travail part du constat que la notion de communauté est repensée depuis les années 1960 (Jean-Luc Nancy, Giorgio Agamben, Roberto Esposito, Alfonso Lingis...) selon une optique qui non seulement prend en compte les singularités, mais en plus réfute l’idée d’une origine utopique perdue, véhiculée par les grands récits fondateurs. De ce fait, la communauté à la fin du XXe siècle ne serait plus un objet obsolète, impensable ou dangereux, mais une réalité à redéfinir. Les œuvres du corpus sont « en crise » à deux niveaux : parce qu’elles constatent des crises sociales contemporaines, et parce que la vision qu’elles ont de leur propre matériau – le langage – est marquée par le doute. Autrement dit, il y a une crise à penser mais les outils pour la penser sont observés avec suspicion. Toutefois, le soupçon est une dynamique et non une limite dans ces œuvres ; si le postmoderne constitue un outil d’analyse intéressant il n’est pas, dans notre corpus, un point de rupture entre esthétique et politique.Les romans réinvestissent les genres épique et picaresque, dans les cadres postmoderne et romanesque a priori non favorables à de telles manipulations. Dans les deux cas, le souvenir du genre originel est un point de référence à prendre en compte mais à dépasser. Cette réactualisation conjointe de l’épique et du picaresque permet aux œuvres d’exprimer une vision renouvelée de la communauté. D’un côté, l’épique confronte et construit de nouveaux modes de représentations politiques (par la polyphonie, la réactualisation de conflits passés, ou encore l’intertextualité). De l’autre, le picaresque maintient une dimension esthétique subversive et affirme l’irréductibilité des singularités (par l’importance des personnages marginaux entre autres). Cette tension incessante garantit une pensée littéraire qui, à défaut d’être consolatrice, est crédible et efficace dans le contexte intellectuel de la fin du XXe siècle.La démonstration s’appuie sur trois grands axes. Elle montre, d’abord, comment les contextes postmodernes et postcoloniaux qui se croisent dans le corpus donnent aux œuvres l’occasion de réarticuler les liens entre récit et connaissance. Elle étudie ensuite la manière dont la communauté est repensée, à la fois dans son rapport au temps et dans la nature des liens qu’elle suppose. Elle analyse enfin la manière dont les romans parviennent à faire communauté en induisant de nouvelles pratiques de lecture.