La responsabilité élargie des producteurs, un instrument à usage unique ? : l''institutionnalisation d'un mode de financement de la gestion des déchets ménagers
Auteur / Autrice : | Vincent Jourdain |
Direction : | Thomas Reverdy, Peggy Zwolinski, Peggy Zwolinski |
Type : | Thèse de doctorat |
Discipline(s) : | Sociologie |
Date : | Soutenance le 27/03/2023 |
Etablissement(s) : | Université Grenoble Alpes |
Ecole(s) doctorale(s) : | École doctorale sciences de l'homme, du politique et du territoire (Grenoble ; 2001-....) |
Partenaire(s) de recherche : | Laboratoire : Pacte, laboratoire de sciences sociales (Grenoble, Isère, France) |
Jury : | Président / Présidente : Rémi Barbier |
Examinateurs / Examinatrices : Thomas Reverdy, Stéphanie Barral, Jean Finez | |
Rapporteurs / Rapporteuses : Rémi Barbier, Andy Smith |
Mots clés
Mots clés libres
Résumé
Cette thèse s'intéresse à un instrument d'action publique permettant le financement de la gestion de certains déchets en France : la « responsabilité élargie des producteurs » (REP). Développé dans les années 1990, il vise à faire contribuer les producteurs de biens neufs (emballages, produits électroniques, éléments d’ameublement, textiles…) à la gestion des déchets issus de ces produits arrivés en fin de vie. Concrètement, la REP prend la forme d’une organisation par filière, qui voit ces producteurs constituer des sociétés de droit privé, les « éco-organismes », chargées pour leur compte de pourvoir ou de contribuer à la gestion des déchets. Ces éco-organismes sont des organisations à but non lucratif, qui puisent leurs ressources dans des « éco-contributions » prélevées aux producteurs. Depuis maintenant trente ans, le modèle de la REP se renforce et s’étend en France. Il représente aujourd’hui un budget de plusieurs milliards d’euros, toutes filières confondues.Dans le même temps, la gestion des déchets comme secteur d’action publique évolue. Alors que la valorisation (recyclage et incinération) était perçue à la fin du XXème siècle une solution technique viable et légitime, sa domination s’efface au profit de la prévention et du réemploi des déchets. Promue à travers le concept d’économie circulaire, ces modes de gestion des déchets (et, de manière extensive, des ressources) remettent en cause le modèle économique et juridique alors en vigueur lorsqu’ils sont portés par l’action publique. En particulier, ils fragilisent les principes de libre-circulation des marchandises et de libre-entreprises, puisqu’ils imposent des contraintes réglementaires ou financières aux acteurs privés commercialisant des biens, au nom d’une pollution réalisée en « aval », par le consommateur lui-même lorsqu’il se défait de son déchet, ou par les entreprises de gestion des déchets lorsqu’elles prennent ces derniers en charge.Dans ce cadre, le mode d’instrumentation de la REP constitue une double exception : à l’économie circulaire, puisqu’il contribue essentiellement à la valorisation des déchets plutôt qu’à leur prévention ou leur réemploi, mais aussi au libéralisme économique, puisqu’il oblige les producteurs au nom de la protection de l’environnement.En examinant les modalités institutionnelles et politiques d’intégration du modèle d’économie circulaire au sein de l’instrument de la REP, cette thèse répond à deux questions théoriques issues de ce constat. La première a trait à la construction politique des exceptions au libéralisme économique et à leur mode de légitimation. La seconde est relative à la place des instruments dans l’action publique et à leur rôle de configuration des intérêts et des idées.A travers une étude historique de la « vie » de l’instrument de la REP, ainsi que l’examen approfondi de certaines de ses dimensions (économiques, juridiques), nous montrons que l’instrument produit ses propres forces et ses propres limites. Il génère une capacité d’action pour certains acteurs publics et privés, tout en restreignant la portée des ambitions environnementales qui lui sont attribuées. La REP est en ce sens un « instrument à usage unique ».