Thèse soutenue

Arne Næss, Spinoza et la deep ecology : vers une éthique de l'enrichissement de l'expérience

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Auteur / Autrice : Marine Bedon
Direction : Mogens Laerke
Type : Thèse de doctorat
Discipline(s) : Philosophie, épistémologie
Date : Soutenance le 22/11/2023
Etablissement(s) : Lyon, École normale supérieure
Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale de philosophie (Lyon ; Grenoble ; 2007-....)
Partenaire(s) de recherche : Laboratoire : Institut d'Histoire des Représentations et des Idées dans les Modernités (Lyon ; 2016-....)
Jury : Président / Présidente : Jean-Philippe Pierron
Examinateurs / Examinatrices : Mogens Laerke, Jean-Philippe Pierron, Saverio Ansaldi, Julie Henry, Gérald Hess, Pierre-François Moreau
Rapporteurs / Rapporteuses : Jean-Philippe Pierron, Saverio Ansaldi

Résumé

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La thèse analyse l’apport de la pensée spinoziste pour la deep ecology en s’intéressant plus particulièrement à la formulation qu’Arne Næss, fondateur et représentant majeur du mouvement, a donné tant de la deep ecology que de sa propre écosophie, l’Écosophie T. Elle réinterroge, dans un cadre spinoziste, les notions structurantes du mouvement à partir des interprétations que Næss a données de la philosophie de Spinoza, antérieurement et contemporainement à son engagement environnementaliste. Ainsi, l'interprétation que Næss propose de l'immanence divine permet de comprendre la notion de valeur intrinsèque, l’interprétation de la théorie de la connaissance spinoziste celle d'expérience riche, et l'interprétation du conatus celle de réalisation de soi. Se dessine alors une écosophie spinoziste (ce que Næss a effectivement prétendu produire), une éthique écologique de l'enrichissement de l'expérience, ou de la réalisation de soi, les deux expressions désignant le même processus, le même devenir, mais l'un envisagé depuis le self, le sujet et la connaissance qu'il a de lui-même, et l'autre depuis son expérience du monde. L'idée conductrice de ce travail est la suivante : certes, l'ontologie spinoziste, que l'on dira relationnelle, est pertinente pour le développement d'une pensée écologique, c'est-à-dire, entre autres, une pensée consciente des interrelations constitutives de l'individualité comme de l'identité de toute chose. Certes, le naturalisme de Spinoza destitue l'humain de son exclusivité, de sa position surplombante et dominante sur le reste de la Nature. Mais, ce que le travail sur Næss et sa lecture de Spinoza met également en évidence, c'est non seulement le rôle central que joue l'expérience dans la philosophie éthique de Spinoza, mais aussi la portée écologique d'une telle notion. C'est l'expérience humaine, de soi et du monde, qu'il s'agit de travailler, de modifier, c'est elle qui doit gagner en densité, et en richesse. C'est en travaillant sur cette expérience, individuelle et collective, que pourra être modifiée l'ontologie destructrice de la nature (et des relations inter-humaines) prédominante dans nos sociétés libérales et post-industrielles. Cette appréhension spinoziste de la deep ecology ouvre sur une appréhension originale du mouvement, la thèse assumant que c’est seulement dans un cadre spinoziste qu’il a pu se formuler et seulement avec Spinoza, donc, qu’on peut en saisir toutes les subtilités. Elle permet également une nouvelle actualisation de l’Éthique, axant sa lecture écologique sur la notion d’expérience spontanée : si on affirme que l’expérience dite spontanée traverse l’ouvrage, qu’elle en est le point de départ et le point d’arrivée, alors l'entreprise éthique peut être relue comme une entreprise d'enrichissement de l'expérience. Ce parcours espère ainsi mettre en lumière certaines possibilités du spinozisme, que l'on n'aurait peut-être pas perçues (ou pas aussi bien) sans la traversée de la réflexion écosophique.