La précarité résidentielle à l’aune de l’orientation sexuelle et de l’identité de genre : une analyse longitudinale des modes d'hébergement des personnes LGBTQ+ sans logement personnel en Île-de-France.

Housing precarity among LGBTQ+ people in the Île-de-France region

• Auteur / Autrice : Noemi Stella
• Direction : Florence Maillochon
• Type : Thèse de doctorat
• Discipline(s) : Sciences de la Société
• Date : Soutenance le 13/12/2023
• Etablissement(s) : Paris, EHESS
• Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale de l'École des hautes études en sciences sociales
• Partenaire(s) de recherche : Institut de recherche : École normale supérieure (Paris ; 1985-....)
• Partenaire(s) de recherche : Laboratoire : Centre Maurice Halbwachs (Paris)
• Partenaire(s) de recherche : Association : Basiliade (France)
• Jury : Président / Présidente : Marylène Lieber
• Jury : Examinateurs / Examinatrices : Marylène Lieber, Marianne Blidon, Yaëlle Amsellem-Mainguy, Éric Fassin, Marie Loison-Leruste
• Jury : Rapporteurs / Rapporteuses : Marylène Lieber, Marianne Blidon

Mots clés

Mots clés contrôlés

Centres d'hébergement

Exclusion sociale

Discrimination

Logement

Minorités sexuelles

Mots clés libres

Sans logement personnel

Lgbtq+

Précarité Résidentielle

Discriminations

Hébergement chez des tiers

Recherche-Action

Violences

Santé

Trajectoires

Homelessness

Lgbtq+

Housing Insecurity

Discrimination

Third-Party accommodation

Action-Research

Violence

Health

Residential Paths

Résumé

Insaisissables ou invisibilisé·es dans les enquêtes sur l’absence de logement personnel menées au niveau parisien, francilien et national, les personnes LGBTQ+ sont néanmoins présentes et leurs trajectoires résidentielles marquées par une imbrication de discriminations et de soutiens spécifiques. Une approche biographique longitudinale sur trois ans et demi au sein d’une recherche-action menée auprès de 48 enquêté·es LGBTQ+ entre 16 et 35 ans a permis de rendre visible leurs parcours résidentiels et les tactiques d’hébergement employées pour fuir la rue en Île-de-France. La grande majorité d’entre eux et elles étant des personnes exilées dont le statut juridique a évolué au fil du temps, la situation administrative représente un facteur de discrimination majeur dans leurs trajectoires résidentielles institutionnelles.Dans un premier temps, je montre les effets de la saturation structurelle du système d’hébergement généraliste et du Dispositif National d’Accueil (DNA) sur les personnes LGBTQ+. Pour ce faire, j’ai d’une part mise en évidence la période de latence entre la date de la première demande d’hébergement réalisée et celle à laquelle la personne a effectivement été hébergée dans un dispositif, la forte mise en mobilité contrainte des exilé·es les plus précarisé·es par leur statut juridique, ainsi que leur surreprésentation parmi les « sorties sèches », c’est-à-dire les fins de prise en charge par l’établissement sans propositions d’hébergement. Je montre, d’autre part, comment ces dispositifs reproduisent des modèles cis-hétéronormatifs via leur organisation spatiale et le manque de formation des équipes, amenant de manière paradoxale à les invisibiliser -via des injonctions au passing cis-hétérosexuel- et en même temps à les surexposer quand iels sont « visibles » et ciblé·es par des discriminations au sein des hébergements. En rendant les questions liées à l’orientation sexuelle et à l’identité de genre spécifiques, marginales et reléguées à l’espace privé, ces dispositifs concourent ainsi à vulnérabiliser davantage les personnes LGBTQ+ hébergées.En l’absence d’une prise en charge institutionnelle, et en raison des conditions d’insalubrité et des discriminations vécues, les personnes LGBTQ+ en précarité résidentielle déploient d’autres tactiques informelles afin d’avoir accès à des hébergements temporaires. Si des travaux ont été publiés sur les personnes sans-domicile accueillies dans des services d’hébergement, sur les personnes habitant dans des formes particulières d’habitat et sur celles sans-abri, il est très difficile d’avoir des informations sur les personnes sans logement personnel hébergées de manière « contrainte » au sens de l’Insee, et temporaire chez des tiers. À travers des entretiens répétés et une approche ethnographique, trois grands types de « réseaux d’hébergement informels » se sont dessinés : les membres de la famille, les personnes LGBTQ+ -du pays d’origine et franciliennes- et les compatriotes cis-hétérosexuel·les habitant en Île-de-France. Ce travail permet ainsi d’analyser les conditions d’hébergement, les coûts et les contreparties demandées contre ces hébergements, en fonction du type de « réseau » mobilisé et des ressources -économiques, administratives, militantes, de genre et sexuelles- détenues par les hébergé·es.In fine, la recherche-action a concouru à la création d’un Centre d’Hébergement d’Urgence (CHU) LGBTQ+ « en diffus » à Paris, l’Escale, cordonné par l’association BASILIADE, qui propose un accompagnement pluridisciplinaire -social, médical, psychologique, juridique et professionnel- aux personnes hébergées. Ce dispositif a été conçu avec les enquêté·es, dont une partie a pu en bénéficier à l’ouverture des premiers appartements en 2020 et 2021.

Unidentified or unrecorded in surveys carried out in Paris, the Île-de-France region and nationally, LGBTQ+ homeless people do however exist, and their residential paths are characterized by an interweaving of specific discriminations and support networks.Using a longitudinal biographical approach over a three-and-a-half-year period, I was able to reveal the residential paths of 48 LGBTQ+ respondents aged 16 through 35 living in the Île-de-France region, and to illustrate the multiple accommodation strategies used to stay off the streets. As the overwhelming majority of them are exiles whose legal status has changed over time, their administrative situation represents a major factor of discrimination in their institutional housing paths.In the first part of the thesis, I showed the effects of the structural saturation of the general homeless shelter system and of the national reception scheme for asylum seekers (DNA) on LGBTQ+ people. To do this, I first looked at the latency period between the first accommodation request and the date on which the person was actually accommodated in a homeless shelter. Then, I focused on the severe forced displacements of the most juridically precarious among the exiles, and on their overrepresentation among the “dry exits”, meaning the situations in which the homeless person must leave the temporary shelter without having had other institutional accommodation proposals and finding themselves sleeping rough or temporarily hosted by third parties. Moreover, I showed how these homeless shelters replicate cis-heteronormative models through their spatial organization and a lack of staff training, leading paradoxically to the invisibilisation of LGBTQ+ people -by means of cis-heterosexual passing injunctions- and, at the same time, to their hypervisibilisation once they are identified as non-cisgender and/or non-heterosexual and thus discriminated within the shelter. By making issues related to non-normative gender identities and sexual orientations specific, marginal, and relegated to private sphere, both the general homeless shelter system and the national reception scheme for asylum seekers contribute to making LGBTQ+ people in temporary shelters even more vulnerable.In the absence of institutional care, and because of insanitary conditions and discrimination, LGBTQ+ people experiencing housing insecurity used other informal strategies in order to gain access to temporary accommodation. While studies have been published on homeless people living in homeless shelters, on people living in special form of accommodation and on rough sleepers, it is extremely difficult to obtain information on people without their own accommodation who are “forced”, as defined by Insee, to be temporarily hosted by third parties. Through repeated interviews and ethnographic participation, three main types of informal accommodation networks have emerged: family members, LGBTQ+ people -from the country of origin and from France- and cis-heterosexual co-nationals living in the Paris region. This work makes it possible to analyse the accommodation conditions, the costs and the counterparties requested in return, depending on the type of “network” mobilised and the resources- economic, administrative, militant, gender and sexual - held by the LGBTQ+ homeless people.Finally, the action-research led to the creation of an LGBTQ+ emergency accommodation shelter in Paris, l’Escale, coordinated by the Basiliade association, which offers multidisciplinary support – social, medical, psychological, legal and professional integration – to those sheltered. The Escale was designed with the respondents, some of whom were able to benefit from it when the first flats opened in 2020 and 2021.