Les entreprises face à la demande de travail et au coût du travail : impact des réformes de cotisations employeur en France
Auteur / Autrice : | Sophie Cottet |
Direction : | Antoine Bozio |
Type : | Thèse de doctorat |
Discipline(s) : | Sciences économiques |
Date : | Soutenance le 05/06/2023 |
Etablissement(s) : | Paris, EHESS |
Ecole(s) doctorale(s) : | École doctorale d'Économie (Paris ; 2004-....) |
Jury : | Président / Présidente : David Naum Margolis |
Examinateurs / Examinatrices : David Naum Margolis, Jarkko Harju, Attila Lindner, Katarzyna Anna Bilicka, Giulia Giupponi | |
Rapporteur / Rapporteuse : Jarkko Harju, Attila Lindner |
Résumé
Cette thèse examine le rôle des coûts du travail dans la demande de travail des entreprises. J’utilise les variations induites par différentes réformes ayant affecté les cotisations employeur en France et qui ont ainsi entraîné une modification du coût du travail de certains facteurs de production. Ces réformes peuvent amener les entreprises à utiliser plus ou moins ces facteurs de production, en les rendant plus ou moins coûteux. Ces réformes ont également affecté les entreprises différemment en fonction de la composition de leur main-d'œuvre ou de leur taille, de sorte que même sans modifier leur combinaison de production, certaines entreprises ont pu subir une forte perte ou un fort gain de liquidités. Ces réformes ayant généré des conditions d’expérience quasi-naturelle, j’analyse comment elles affectent le comportement des entreprises en matière de demande de travail. Ce faisant, ma thèse contribue à déterminer dans quelle mesure les cotisations employeur sont des impôts sur les entreprises ou sur leurs employés. Le premier chapitre examine les effets d'une forte réduction des cotisations employeur pour les travailleurs à bas salaires. Je montre que cette politique a entraîné une augmentation supplémentaire de 13 points de pourcentage du nombre d’emplois au salaire minimum, mais uniquement au sein d’entreprises ayant initialement peu de travailleurs au salaire minimum. En revanche, les entreprises qui employaient déjà des travailleurs au salaire minimum, et qui bénéficient donc ex ante d’une hausse inattendue de leurs profits, augmentent leur emploi au cours des deux premières années suivant la réforme. Cet effet est plus marqué parmi les entreprises soumises à des contraintes de crédit. Dans l’ensemble, ces résultats montrent que toutes les entreprises ne réagissent pas à un changement du coût relatif du travail, et ils soulignent l’importance des contraintes de liquidité dans les dynamiques de croissance des entreprises. Dans le deuxième chapitre, j’exploite une réforme de la fiscalité portant sur les heures supplémentaires pour étudier dans quelle mesure la demande d’heures supplémentaires est sensible à leur coût. Je montre que les entreprises exposées à la suppression d'une réduction forfaitaire des cotisations employeur sur ces heures ne réduisent pas leur recours aux heures supplémentaires. Par ailleurs, on ne détecte aucun effet de la perte de trésorerie sur les décisions et dynamiques de ces entreprises. L’augmentation du coût des heures supplémentaires est trop faible pour susciter des changements dans le comportement des entreprises, cinq ans après un ensemble de réformes qui a pu faire des heures supplémentaires une nouvelle norme stable dans la demande et l’offre de travail. Cette interprétation met l’accent sur les effets d’hystérèse des réformes qui peuvent façonner de façon durable de nouvelles normes sur le marché du travail, normes qui peuvent subsister à la disparition de ces dispositifs. Le troisième chapitre démontre l'importance de la saillance des coûts du travail dans les décisions des entreprises en matière d'emploi et de salaires. J'étudie un changement dans une politique de réduction du coût du travail : la transformation d’un crédit d’impôt sur les sociétés (CICE) en réduction de cotisations employeur. Avant comme après la réforme, cette politique induit une forte discontinuité des coûts du travail autour d'un seuil de salaire. Tout en laissant les coûts du travail largement inchangés, la transformation du crédit d'impôt en une réduction de cotisations employeur a rendu la réduction du coût du travail en général, et la discontinuité des coûts au niveau du seuil en particulier, plus saillante. En utilisant des méthodes de bunching, je montre que les entreprises deviennent plus réactives à cette discontinuité, et que les coûts associés à une mauvaise optimisation et le degré de flexibilité dans la fixation des salaires pourraient jouer davantage que la sophistication des décideurs en entreprise.