Le Grand sacre des chats : l'invention d'un animal de compagnie en France (1670-1830)
Auteur / Autrice : | Tomohiro Kaibara |
Direction : | Antoine Lilti |
Type : | Thèse de doctorat |
Discipline(s) : | Histoire et civilisations |
Date : | Soutenance le 17/03/2023 |
Etablissement(s) : | Paris, EHESS |
Ecole(s) doctorale(s) : | École doctorale de l'École des hautes études en sciences sociales |
Jury : | Président / Présidente : Sylvie Steinberg |
Examinateurs / Examinatrices : Sylvie Steinberg, Antoine de Baecque, Colin Jones, Kathleen Kete, Silvia Sebastiani | |
Rapporteurs / Rapporteuses : Antoine de Baecque, Colin Jones |
Résumé
Introduit en Occident au début du Moyen Âge comme chasseur de souris, le chat s’impose aujourd’hui comme animal de compagnie, dissocié de toute fonction économique. Cette thèse vise à montrer comment il a commencé à accéder à son statut de compagnon de l’homme en France au cours du long XVIIIe siècle. Elle étudie à cet effet non seulement l’évolution de la représentation collective du chat mais aussi l’émergence d’une catégorie sociale, celle qui regroupe ses amateurs. La première partie examine l’évolution des usages économiques et symboliques des chats et discute l’abandon de certaines pratiques anciennes qualifiées de « cruelles » par les élites des Lumières, dont l’emploi médical du corps félin. La seconde partie suit le développement d’une communauté émotionnelle des amateurs de chats dans l’espace médiatique depuis la fin du XVIIe siècle, reprenant trois cas de célébrités félines du règne de Louis XIV et L’Histoire des chats (1727) de Paradis de Moncrif. La troisième partie reconstitue l’évolution de la représentation du chat dans la science, la littérature et la peinture : cet animal, symbole de l’indiscipline et de l’état sauvage au XVIIe siècle, a fait l’objet d’un vaste débat dans ces domaines, qui a abouti, au tournant du XIXe siècle, à la pleine reconnaissance de sa capacité à recevoir l’« éducation » et à aimer sincèrement son maître. La dernière partie analyse la mutation des normes affectives à partir d’un procès occasionné par la mort d’un chat à Paris en 1770, de deux correspondances intimes (de Mme de Graffigny et de l’abbé Galiani) et d’un roman épistolaire de Mlle Poulain de Nogent. Cette thèse montre que l’invention du chat moderne fait partie de l’histoire intellectuelle des Lumières, dans la mesure où cet animal, situé entre la nature et la culture, incarnait l’ambivalence de la civilisation. Elle a été un processus dynamique, où différents styles émotionnels se heurtaient constamment chez les hommes et les femmes qui cherchaient à articuler les sentiments suscités par leurs chats.