Thèse soutenue

Médiations techniques de la présence : être « là », entre présentation et représentation

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Auteur / Autrice : Gaëlle Garibaldi-Agliardi
Direction : Charles LenayGunnar Declerck
Type : Thèse de doctorat
Discipline(s) : Philosophie et Épistémologie, Histoire des Sciences et des Techniques : Unité de recherche COSTECH (EA-2223)
Date : Soutenance le 17/03/2023
Etablissement(s) : Compiègne
Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale Sciences pour l'ingénieur (Compiègne)
Partenaire(s) de recherche : Laboratoire : Connaissance Organisation et Systèmes TECHniques / COSTECH

Résumé

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Les développements techniques permis par l’informatique et le numérique mettent en crise le sens traditionnel de la « présence ». Ouvrant de nouvelles expériences, ils posent de nouvelles questions : comment une chose ou une personne qui n’est pas « là » peut m’apparaître comme réelle ou présente, non comme une simple image, à travers autre chose (un écran) ? Comment peut-on avoir l’impression d’« être là » sans être là, immergé « ailleurs », que ce soit à distance ou dans une simulation ? Or ces questions en impliquent une autre, plus fondamentale et souvent négligée : comment ces choses concrètes et « réelles » présentes tout autour de moi dans la perception ordinaire m’apparaissent-elles comme étant précisément présentes ? Avec l’héritage de la pensée moderne, qui influence aussi les Presence Studies, les réponses traditionnelles à ces questions reposent sur des approches réalistes et idéalistes, ainsi que sur leur ontologie intrinsèque opposant objet et sujet, présence et absence. D’une part, « être là » renvoie à la chose objective dans l’espace et le temps « réels », avec l’enjeu technique de pouvoir représenter la « réalité » et invisibiliser la médiation (par l’immersif et le réalisme). D’autre part, « être là » renvoie à l’expérience subjective résultant du traitement de ces informations via des représentations mentales élaborées par l’entendement, la cognition, le cerveau, aboutissant éventuellement à une action. L’expérience médiée de la présence se définit alors en tant qu’« état psychologique », une « illusion perceptuelle de non médiation » variant en degrés par rapport à une expérience originaire (non-médiée). Cependant, ces approches, que nous appelons les Pensées de la représentation, manquent le sens de la présence en le réduisant à l’ordre de la (re)connaissance, de l’intelligibilité, dans une logique de maîtrise. Dans ce travail, nous proposons de reconsidérer ces questions du point de vue de ce que nous appelons les Pensées de la présence, inspirées par les approches de Husserl et Bergson. Ces dernières remettent en question cette souveraineté de la représentation en revalorisant la perception, la temporalité, la corporalité et la situation ; et redéfinissent l’être là en révélant l’expérience fondamentale de la durée, du présent, ainsi que le rôle radical de l’absence, dans une relation plus originaire et plus vivante au monde, de l’ordre du sentir. A partir de ces apports, nous distinguons les techniques de représentation, impliquant un effet de réel, des techniques de présentation, impliquant un effet de présence, entre adoption et production du flux, coïncidence et participation. Nous approfondissons également ces analyses historiques et philosophiques par une approche expérimentale basée sur la méthode minimaliste, permettant d’étudier, à une échelle microgénétique, l’émergence d’un présent partagé, dynamiquement coconstitué, dans des situations d’interaction perturbées par des délais. Nous montrons par-là que le « temps réel » et le réalisme ne sont ni suffisants ni nécessaires à l’expérience de la présence.Enfin, si nous posons d’abord que la présence précède la représentation, nous considérons par ailleurs le rôle des représentations et des médiations techniques dans notre rapport au monde et aux autres, avec l’idée qu’elles diversifient les modes et la nature de l’expérience. Un des enjeux de ces réflexions est donc aussi d’insister sur les implications sociales, politiques et éthiques de ces problématiques, encore peu considérées dans les travaux contemporains des Presence Studies, en phénoménologie ou en sciences cognitives.