Thèse soutenue

Le sans-abrisme dans le Grand Boston depuis 1980 : métonymie des politiques urbaines états-uniennes?

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Auteur / Autrice : Cecilia Smith
Direction : Didier RevestLaurence Gervais
Type : Thèse de doctorat
Discipline(s) : Langue, littérature et civilisation anglophones
Date : Soutenance le 15/12/2023
Etablissement(s) : Université Côte d'Azur
Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale Sociétés, humanités, arts et lettres (Nice ; 2016-....)
Partenaire(s) de recherche : Laboratoire : Laboratoire interdisciplinaire Récits Cultures et Sociétés. UPR 3159 (Nice ; 2012-....)
Jury : Président / Présidente : Guillaume Marche
Examinateurs / Examinatrices : Audrey Célestine
Rapporteur / Rapporteuse : Françoise Hélène Coste, Romain Huret

Résumé

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Ville phare du Nord-Est des États-Unis, berceau du président John Kennedy, capitale du seul État où la loi sur le droit à un toit est en vigueur, Boston fait face à un sans-abrisme persistant depuis les années 1980. Au dernier recensement, 1545 individus dormaient dehors en 2022, dans une ville aux températures hivernales extrêmes. Dès le XIXe siècle, les églises et les organisations caritatives ont offert gîte et couvert à celles et ceux qu'elles pouvaient accueillir. La construction massive de foyers d'hébergement est venue soutenir cette assistance au début des années 1980, et temporairement protéger les plus vulnérables. Les mesures d'urgence ont ainsi longtemps prévalu, dans un territoire fait d'anciens marécages et limité par l'océan. Les besoins grandissants ont rapidement conduit à une surpopulation délétère des foyers et à la recherche institutionnelle, à l'échelle locale et étatique, de solutions pérennes. Dans les années 1980, les sans-abris croisés à Boston étaient avant tout des hommes seuls, au mode de vie nomade, libres de toute contingence, et qui souffraient souvent d'alcoolisme. La désinstitutionalisation entamée dans les années 1960 a fait grossir les rangs des personnes sans toit, congédiées des structures hospitalières. Dotée d'universités prestigieuses, de sièges sociaux de grands groupes bancaires et d'assurances, mais aussi d'hôpitaux mondialement reconnus, Boston attire, mais échoue à loger les plus modestes, dans un contexte de gentrification aiguë qui s'est accentuée depuis les années 1970, amplifiée par une ségrégation ethno raciale à l'œuvre dans l'habitat subventionné. En outre, face au délabrement des logements publics, les programmes de reconstruction à grande échelle, initiés au niveau fédéral depuis la Grande Société du président Johnson, n'ont que partiellement résolu une crise du logement ininterrompue. La rénovation a supplanté la création attendue de logements abordables, sans reloger tous les anciens locataires modestes. L'harmonisation des politiques publiques de lutte contre le sans-abrisme et le mal-logement s'illustre par un dialogue fructueux et régulier entre les autorités étatiques et locales. De Raymond Flynn à Michelle Wu, les maires de Boston ont ainsi collaboré avec les gouverneurs démocrates ou républicains, dans un état fiscalement conservateur et socialement progressiste. Toutefois, des institutions de premier plan, comme l'Autorité locale du logement ou les services étatiques du logement social et de l'urbanisme, ont échoué à élargir l'offre d'habitat accessible aux classes moyennes. L'action des travailleurs sociaux, des structures médicales et judiciaires est venue contrebalancer cet échec relatif. Les responsables de foyers se sont rassemblés dans des Continuums of Care, structures d'aide sociale qui permettent d'harmoniser les besoins de chacune, dans un partage des ressources matérielles et humaines. Des associations d'aide juridique viennent en aide aux locataires expulsés. Les personnes sans-abri sont secourues par une aide médicale gratuite depuis les années 1980. La recherche d'alternatives a permis l'émergence du logement transitoire et permanent avec assistance, et connu des succès partiels, au gré des financements fédéraux et étatiques et des impulsions politiques locales. En outre, le Grand Boston présente une géographie fragmentée de l'aide au logement, dans des banlieues aisées qui rechignent à réformer les lois du zonage, et font pression sur les autorités locales pour éviter le retour du contrôle des loyers. Aux anciens vagabonds isolés des années 1970-80 se sont substituées des familles délogées en raison du montant prohibitif des loyers, et des minorités ethno raciales vulnérables. La crise des opiacés a doté le sans-abrisme d'un nouveau visage, ainsi que les populations qui affluent de l'étranger pour fuir la misère ou la guerre. La conjugaison de ces attentes place ainsi le Grand Boston à un moment charnière de son histoire sociale et urbaine.