Thèse soutenue

Traces d'esclavage en héritage : blessures, trauma et désubjectivation : La plasticité psychique en question(s)

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Auteur / Autrice : Dominique Floret
Direction : Mohammed HamSophie Gilbert
Type : Thèse de doctorat
Discipline(s) : Psychologie
Date : Soutenance le 09/12/2023
Etablissement(s) : Université Côte d'Azur
Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale Sociétés, humanités, arts et lettres (Nice ; 2016-....)
Partenaire(s) de recherche : Laboratoire : Laboratoire interdisciplinaire Récits Cultures et Sociétés. UPR 3159 (Nice ; 2012-....)
Jury : Président / Présidente : Jacques Cabassut
Examinateurs / Examinatrices : Marie-Pierre Ballarin, Dominique Rogers
Rapporteurs / Rapporteuses : Giorgia Tiscini, Sidi Askofaré

Mots clés

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Résumé

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La traite négrière et l’esclavage transatlantique, basés sur une idéologie raciste, représentent plusieurs siècles de violences interpersonnelles et de traumatismes répétés. Déshumanisant, l’esclavage a induit au niveau psychologique des processus de destruction massifs. Cette thèse en psychologie clinique analyse les traces de ce passé fondateur de la culture antillaise : elle explore les racines traumatiques de l’héritage de l’esclavage ainsi que ses manifestations contemporaines. Elle présente les résidus psychiques de ce traumatisme historique à travers l’élaboration de la culture créole, de l’identité antillaise et des pratiques sociales. Les anciennes colonies sont traversées par une prégnance de la violence dans le lien social, qui traduit tout autant un recours privilégié à la violence qu’une aptitude psychique à la traiter. Nous abordons cette tendance sous l’angle de la plasticité psychique. S’étayant sur la plasticité cérébrale, elle mobilise des défenses pour préserver l’homéostasie psychique selon la culture du sujet. Nos travaux concernent deux îles françaises, la Martinique et la Guadeloupe, et deux îles anglaises, la Dominique et Sainte-Lucie. Nous étudions leurs héritages par un croisement de disciplines (psychologie, psychanalyse, sociologie, anthropologie, neurosciences, histoire), dans une perspective épistémologique. Une recherche psycho-historique sur chaque île a permis de reconstituer la phylogenèse psychique, révélant l’archaïque de matrices identitaires enfouies. Elle dévoile l’ancrage d’un signifiant d’identité collective, qui repose sur plusieurs symboles issus du vécu des populations durant la période esclavagiste. En parallèle de ces vestiges identitaires propres à chaque île, on retrouve des stigmates psychiques transiliens qui contaminent le lien social. Arrimés à la culture, qui leur offre une voie de déploiement transgénérationnel, ils convoquent une répétition symptomatique des souffrances à travers certaines pratiques familiales et sociales. La culture antillaise, forte de ses adages créoles qui incitent à ne pas s’effondrer, soutiendrait aussi une plasticité psychique spécifique. L’étude quantitative en psychopathologie mesure l’effet de la culture antillaise sur l’impact psychologique de violences physiques répétées. Cette culture favorise le maintien d’un équilibre psychologique à travers un vécu de violences hautement traumatogènes. Les sujets antillais semblent être héritiers d’éléments de résistance psychique et de résilience efficaces face au trauma. L’étude qualitative en anthropologie sociale établit un état des lieux de l’appréhension de cet héritage aujourd’hui par les descendants d’esclaves. Par l’analyse de leurs discours et de leurs représentations de l’esclavage et de la traite négrière aux Antilles, elle amène à déterminer les vecteurs et les facteurs généraux qui façonnent le rapport des descendants à leur héritage. Ainsi, la présente thèse offre de nouvelles perspectives de compréhension des implications psychologiques de l’esclavage transatlantique et de la traite négrière. D’une part, en dévoilant la pluralité des héritages aux Petites Antilles et leurs contours singuliers. D’autre part, en présentant l’héritage commun sous un angle novateur : dans sa valence psychotraumatique, mais aussi en tant que transmission de ressources psychiques. Aussi, les signifiants d’identités collectives sont fédérateurs : ils fondent un héritage partagé, qui élude les divisions socioraciales. Enfin, nos travaux sur les blessures psychologiques des descendants pointent des pistes afin d’agir pour l’apaisement. La reconnaissance de ces blessures représente désormais un enjeu international. Une réflexion populaire et politique s’est engagée au niveau mondial, dans une dynamique de décolonisation et de réparation. Nos recherches s’inscrivent dans cette actualité : elles éclairent les traces du passé pour mieux répondre aux besoins psychologiques et sociétaux du présent.