Thèse soutenue

Le Logement d'abord, une innovation institutionnelle ? : Une tentative de transformation des politiques sociales de l'habitat pour mettre fin au sans-abrisme

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Auteur / Autrice : Nadyah Abdel Salam
Direction : Gérald Gaglio
Type : Thèse de doctorat
Discipline(s) : Sociologie
Date : Soutenance le 17/11/2023
Etablissement(s) : Université Côte d'Azur
Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale Sociétés, humanités, arts et lettres (Nice ; 2016-....)
Partenaire(s) de recherche : Laboratoire : Groupe de recherche en droit, économie et gestion (Valbonne, Alpes-Maritimes)
Jury : Président / Présidente : Benoît Eyraud
Examinateurs / Examinatrices : Pascale Pichon
Rapporteurs / Rapporteuses : Jean-Claude Driant, Anne Petiau

Résumé

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Le Logement d'abord se présente comme une voie alternative pour mettre fin au sans-abrisme. Ses promoteurs cherchent à réorienter le système d'assistance aux personnes sans-abri afin qu'elles puissent vivre directement dans un logement personnel stable, avec un soutien adapté à leurs choix et besoins. Cette nouvelle doctrine circule depuis les années 1990 dans les pays occidentaux où elle fait l'objet de débats, d'adaptations et de réappropriations qui alimentent un corpus doctrinal qui n'est pas figé. En France, elle inspire une stratégie nationale pour refonder le système d'hébergement en privilégiant l'accès au logement au plus tôt. Elle s'incarne aussi dans des dispositifs expérimentaux tels que le programme Un chez soi d'abord qui accompagne en logement des personnes sans-abri avec un long parcours de rue et des troubles psychiatriques sévères.La recherche interroge la consistance de ce programme de changement et son issue, ainsi que la place respective du logement social et de l'hébergement dans ce système d'action en reconfiguration. Elle s'appuie sur une enquête ethnographique de quatre ans (2017-2020) auprès des acteurs impliqués dans le déploiement du Logement d'abord dans la métropole lyonnaise, en lien avec les acteurs et institutions actifs au niveau national et supranational.. Le Logement d'abord est abordé comme une nouvelle catégorie d'action publique à interroger et un processus d'innovation institutionnel à enquêter. Pour prendre tout son sens, il est resitué dans le champ plus vaste des politiques sociales de l'habitat auxquelles il participe.La première partie de la thèse présente une socio-histoire de l'émergence du Logement d'abord en France et dans les différents pays où la doctrine se forge, circule et oriente l'action publique. Elle décrit les modalités de formation de cette doctrine à partir de ses foyers d'inspiration nord-américain et finlandais, en montrant l'interpénétration des niveaux d'action publique, le rôle des réseaux de promotion à l'international et le renforcement mutuel des processus de diffusion. En Europe, la doctrine évolue ainsi d'une approche ciblée visant les situations jugées les plus complexes, à une approche extensive et transformative pour mettre fin au sans-abrisme. Sa diffusion participe d'un mouvement de contestation des différentes formes d'emprise institutionnelle qui traverse l'ensemble de l'offre sociale et médico-sociale.La deuxième partie de la thèse se centre sur la démarche engagée dans la métropole lyonnaise. Elle analyse le contexte socio-institutionnel qui conduit à un arbitrage politique local en faveur du Logement d'abord, ainsi que les inflexions apportées à l'ambition initiale au fil de l'action. Les épreuves de la mise en œuvre conduisent à des hybridations entre hébergement et logement qui transforment la proposition initiale. Loin de conduire au retrait de l'hébergement, le Logement d'abord en renouvelle plutôt les contours et les formes. Le processus d'innovation institutionnel se poursuit sous la bannière d'une politique de l'hospitalité afin de dépasser les limites d'une acceptation trop restrictive du logement et du droit à l'habiter. La troisième partie de la thèse traite des apprentissages et des déplacements qui résultent de ces explorations. Au travers de deux expérimentations, elle donne à voir les coopérations entre institutions nécessaires pour qu'une vie autonome soit possible, en logement ordinaire ou dans des formes alternatives d'habitat, non pas sous la responsabilité d'une seule institution mais avec le soutien d'une pluralité d'entre elles. Elle met aussi en évidence les limites d'une action publique supplétive qui ne permet pas de compenser durablement des institutions en retrait faute de moyens.