Thèse soutenue

Aspects subculturels, socio-cognitifs, et rituels du BDSM communautaire dans le Nord-Est de la France

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Auteur / Autrice : Adrien Czuser
Direction : Arnaud Halloy
Type : Thèse de doctorat
Discipline(s) : Anthropologie
Date : Soutenance le 29/03/2023
Etablissement(s) : Université Côte d'Azur
Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale Sociétés, humanités, arts et lettres (Nice ; 2016-....)
Partenaire(s) de recherche : Laboratoire : Laboratoire d'anthropologie et de psychologie cliniques, cognitives et sociales (Nice ; 2016-)
Jury : Président / Présidente : Michael Houseman
Examinateurs / Examinatrices : Robin Bauer
Rapporteur / Rapporteuse : Michael Houseman, Sophie Houdart

Mots clés

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Mots clés contrôlés

Résumé

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Dans un contexte d'inflation des revendications identitaires relatives à la sexualité , de ‘'mainstreamisation'' d'un certain type de représentations BDSM, et d'une incertitude persistante quant à la proportion de la population disposant d'inclinations BDSM, s'interroger sur la marginalité socio-culturelle du BDSM ainsi sur ce qui compte, d'un point de vue émique, comme du (bon « jeu ») BDSM, présente un enjeu heuristique majeur. Cette thèse se donne précisément pour objectif d'interroger d'abord la dimension (sub)culturelle des phénomènes considérés, puis de questionner ensuite la dimension ludique des rapports sexuels BDSM observés lors de cette même enquête. Cette étude consiste ainsi en un diptyque de mises en perspectives anthropologiques, élaborées à partir d'une enquête ethnographique menée de 2015 à 2019 au sein d'un collectif pansexuel d'une cinquantaine d'adeptes de pratiques BDSM communautaires, en Alsace et en Lorraine (en plus d'une brève incursion au sein de la scène niçoise), sous un épineux régime de participation-observante. L'hypothèse selon laquelle la pratique du BDSM dépendrait essentiellement du déploiement d'une certaine compétence interprétative paraît corroborée à l'épreuve du terrain. Dans la première partie du développement, il apparaît bien, dès lors, que le BDSM est avant tout affaire de (re)cognition et de labellisation de phénomènes contextuels ou biographiques très divers, avec alors de nombreuses conséquences en termes de logiques identitaires. Outre la forme d'incompétence cognitive attribuée auxdit∙e∙s « vanilles » par bien des « kinksters », l'environnement vanille se caractériserait notamment par une présence virtuelle (et potentiellement actualisable) du BDSM, et se présente, en partie, comme un environnement affordant et ‘‘pervertible'' pour les kinksters fréquenté∙e∙s, manifestant des propensions à repousser l'ordre du ‘'sadomasochistiquement'' possible. Ainsi, il ne s'agit pas simplement de s'adapter au monde environnant, mais également d'adapter ce dernier. Au-delà de ces problématiques d' ‘'enchâssement'' subculturel, le façonnage d'une forte normativité dont on peut notamment témoigner lors des « munches », fait également l'objet d'une analyse diachronique. En outre certaines pratiques communautaires s'apparentent à des formes de conduites d'inclusion, de conduites d' « entretien », et de conduites de « production » ; logiques qui, loin de n'être caractéristiques que de « groupes restreints », s'avèrent révélatrices en fait de configurations sociales « queer », « post-queer », mais aussi « post-subculturelles ». S'agissant notamment pour les kinksters, lors des sociabilités intra-communautaires ainsi observées au cours des munches et « ateliers », de générer les conditions de potentiels rapports érotiques BDSM, de soumettre ces derniers à une évaluation rétrospective, et de (re)définir l'ordre du ‘'sadomasochistiquement'' correct ou désirable à cet égard, la seconde partie de l'étude, s'inscrivant davantage encore dans le champ d'une anthropologie micro-processuelle, propose une analyse des dynamiques interactionnelles telles qu'elles se manifestent en contexte de « jeu » collectif. Il en ressort principalement que les rapports qu'entretiennent les kinksters au cadre ludique d'abord (envisagé dans ses dimensions idéelles, sensorielles, matérielles, et communautaires), à leurs play-partners ensuite (lorsqu'il s'agit de combiner action et intention de façons spécifiques) et à leurs « jouets » enfin (appréhendés comme objets de valeur, instruments de communication, de « connexion », de transformation), relèvent de logiques rituelles particulières, et ce, d'après une optique essentiellement pragmatiste. L'efficacité rituelle du jeu BDSM semble alors dépendre en bonne partie d'un exercice optimal du pouvoir, qui prend notamment la forme d'un « faire-faire », et suppose que le jeu soit appréhendé par les protagonistes comme un type de « dispositif » et « d'espace potentiel ».