Thèse soutenue

Le craving : un marqueur précoce et prédictif de l'addiction au tabac, à l'alcool et au cannabis

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Auteur / Autrice : Emmanuelle Baillet
Direction : Marc Auriacombe
Type : Thèse de doctorat
Discipline(s) : Neurosciences
Date : Soutenance le 05/12/2023
Etablissement(s) : Bordeaux
Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale Sciences de la vie et de la santé (Talence, Gironde ; 1993-....)
Partenaire(s) de recherche : Laboratoire : Sommeil, Addiction et Neuropsychiatrie (Bordeaux ; 2011-....)
Jury : Président / Présidente : Georges Brousse
Examinateurs / Examinatrices : Anna-Rose Childress, Serge Ahmed, Léonie Koban, Sandra Chanraud
Rapporteurs / Rapporteuses : Georges Brousse, Anna-Rose Childress

Résumé

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Introduction : L’addiction, ou trouble de l’usage (TU), est caractérisé par une dérégulation du contrôle de l’usage de substances renforçantes qui se traduit par la persistance de l’usage en dépit des conséquences négatives. Le craving, défini comme une envie irrépressible de consommer, est à la fois un critère diagnostique parmi les 11 critères du DSM-5 et un phénomène fluctuant dont les variations journalières en vie quotidienne explorées avec la méthode Ecological Momentary Assessment (EMA) ont été prospectivement associées à l’usage, lui donnant ainsi une valeur pronostique et étiologique potentielle. La présence du craving chez des sujets avec une addiction légère suggère qu'il pourrait être un marqueur précoce. Par ailleurs, si le craving est un puissant prédicteur d’usage et de rechute, à court et moyen terme (1 an), l’impact à long terme (5 ans et plus) de ses fluctuations est inconnu. Le paradigme de réactivité aux cues entraînerait à la fois du craving et des modifications de l'activité cérébrale et autonome, suggérant que ces changements pourraient constituer l’expression physiologique du craving. Le but de cette thèse était d’étudier le rôle du craving dans le développement de l’addiction ; son impact sur la rechute à long terme et ses corrélats physiologiques.Méthode : Un total de 1528 sujets présentant une addiction ou un usage de différentes substances, en soin ou hors soin ont été inclus dans différents protocoles. Le craving a été évalué soit en tant que critère diagnostique (un trait, présence ou absence), soit en tant que phénomène fluctuant (un état, intensité variable). Les critères diagnostiques du DSM-5 ont permis d’établir un réseau de symptômes chez des patients en traitement et d’explorer le rôle prédictif du craving sur l’addiction dans une étude longitudinale en population générale. L’EMA a permis la récolte du craving et un capteur portable la collection de données physiologiques en vie quotidienne pendant 14 jours. Des modèles multiniveaux ont examiné les fluctuations du craving et son impact sur la sévérité et la rechute ; puis des algorithmes de machine learning nous a permis d’explorer ses corrélats physiologiques.Résultats : Nos résultats montrent, pour différentes substances, que le craving était le critère le plus central dans les analyses en réseau et qu’une relation dose-réponse du craving et de sa persistance pendant 12 mois était associée au nombre de critères diagnostiques d’addiction présents. De manière dynamique, les variations d’intensité du craving pendant les 14 premiers jours de traitement montraient une diminution plus lente pour les personnes en rechute de l’addiction à plus de 5 ans. Enfin, nous avons pu établir un pattern physiologique capable de distinguer le craving du non-craving.Conclusion : Dans cette thèse, nous confirmons la place majeure du craving dans l’addiction en tant que critère central de l’expression de l’addiction et nous mettons en évidence qu’il est un critère précoce et prédictif dans le développement et la sévérité de celle-ci. Nous montrons que les fluctuations d’intensité du craving en début de traitement pourraient constituer un marqueur prédictif de rechute à long terme, c’est-à-dire de réponse au traitement à long terme et qu’un pattern physiologique permettait de distinguer le craving du non-craving envie quotidienne. Ces résultats soulignent que le craving pourrait constituer un marqueur de l’addiction et ouvre la voie des biomarqueurs du craving, offrant de nouvelles perspectives sur ses mécanismes sous-jacents et de nouvelles méthodes de repérage et de traitement.