S’engager à distance : les mobilisations pro-ukrainiennes en France (2013-2021)

Long-distance politics : pro-Ukrainian mobilizations in France (2013-2021)

• Auteur / Autrice : Hervé Amiot
• Direction : William Berthomière, Yann Richard
• Type : Thèse de doctorat
• Discipline(s) : Geographie
• Date : Soutenance le 13/12/2023
• Etablissement(s) : Bordeaux 3
• Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale Montaigne-Humanités (Pessac, Gironde)
• Partenaire(s) de recherche : Laboratoire : Passages (Pessac, Gironde ; Pau ; Talence, Gironde)
• Jury : Président / Présidente : Bénédicte Michalon
• Jury : Examinateurs / Examinatrices : Lydia Coudroy de Lille, Étienne Piguet
• Jury : Rapporteurs / Rapporteuses : Serge Weber, Ioulia Shukan

Mots clés

Mots clés contrôlés

Mouvements sociaux

Géographie humaine

Europe

Transnationalisme

Euromaïdan (Ukraine, 2013-2014)

Crimée (Ukraine) -- 2014 (Annexion à la Russie)

Mots clés libres

Migration

Diaspora

Transnationalisme

Mobilisations

Mouvements sociaux

Nationalisme

Ukraine

Conflit Ukraine Russie

Géographie politique

Géoographie sociale

Migration

Diaspora

Transnationalism

Mobilizations

Social movements

Nationalism

Ukraine

Ukraine Russia conflict

Polical geography

Social geography

Résumé

Convois humanitaires, collectes de matériels pour l’armée, manifestations publiques : l’invasion russe de février 2022 a entraîné d’importantes mobilisations des populations ukrainiennes immigrées à travers le monde. Celles-ci ne sont toutefois pas nouvelles, et trouvent en partie leurs racines huit ans auparavant, au moment de l’Euromaïdan, de l’annexion de la Crimée et du début de la guerre du Donbass. Cette thèse se penche sur les mobilisations pro-ukrainiennes en France dans le cadre du « premier » conflit russo-ukrainien, sur une période allant de la fin 2013 (début de l’Euromaïdan) à la fin 2021 (veille de la guerre à grande échelle). Inscrite à la croisée des travaux sur le transnationalisme migratoire et de la géographie des mobilisations, elle substitue la problématique de la distance à celle de l’origine : pourquoi et comment des individus - qu’ils soient immigrés ou non - s’engagent-ils pour des enjeux politiques qui se situent à distance de leurs espaces vécus ? Une méthodologie mixte, mêlant outils qualitatifs (observations, entretiens biographiques) et quantitatifs (enquête par questionnaire) sur un terrain multisitué (quatre villes françaises et trois villes ukrainiennes) permet de dépasser les approches en termes de contextes politiques (nationaux) structurant l’action. Elle met en évidence la façon dont la géographie des espaces vécus des personnes enquêtées – c’est-à-dire les espaces qu’elles pratiquent régulièrement, l’espace de leurs relations sociales et les espaces auxquels elles sont attachées – oriente la politisation de ces dernières et fournit des ressources à l’action politique et humanitaire. Je montre que la conjoncture critique de 2014 a déclenché une mobilisation qui a dépassé le strict cadre de l’immigration ukrainienne. Cette mobilisation a eu un impact inégal sur les aspects humanitaires et diplomatiques du conflit russo-ukrainien, mais une influence durable sur les personnes engagées : elle a créé une « communauté transnationale pro-ukrainienne », qui constitue une force importante de changement social en Ukraine et à l’étranger, en particulier dans sa capacité à diffuser un nationalisme anticolonial, fondé sur la séparation radicale entre les peuples ukrainien et russe. D’un point de vue théorique, la thèse relativise l’exceptionnalité de l’engagement dit « diasporique », en montrant que l’action politique des immigrés et de leurs descendants suit des mécanismes communs à tous les mouvements sociaux. D’un point de vue empirique, elle donne une profondeur historique aux mobilisations face à la guerre de 2022.

Humanitarian convoys, material collections for the army, public demonstrations: the Russian invasion of February 2022 led to major mobilizations of Ukrainian migrants around the world. These are not new, however, and in part have their roots eight years earlier, at the time of Euromaidan, the annexation of Crimea, and the start of the Donbass war. This PhD thesis deals with pro-Ukrainian mobilizations in France in the context of the "first" Russian-Ukrainian conflict, over a period from late 2013 (the beginning of the Euromaidan) to late 2021 (the eve of full-scale war). Situated at the intersection of studies on migrant transnationalism and the geography of mobilizations, it replaces the problematic of origin with that of distance: why and how do individuals - migrants or not – get involved in political issues that are distant from the spaces in which they live? A mixed methodology combining qualitative tools (observations, biographical interviews) and quantitative tools (questionnaire survey) on a multi-site fieldwork (four French cities and three Ukrainian cities) allowed me to go beyond approaches in terms of (national) political contexts structuring action. This methodology highlights the ways in which the geography of the lived spaces (espaces vécus) of the respondents - that is, the spaces they regularly practice, the space of their social relations, and the spaces to which they are attached - orients their politicization and provides resources for political and humanitarian action. I show that the critical juncture of 2014 triggered a mobilization that went beyond Ukrainian immigrants. This mobilization had an uneven impact on the humanitarian and diplomatic dimensions of the Russian-Ukrainian conflict, but it had a lasting impact on those involved. It has created a "transnational pro-Ukrainian community" that has been an important force for social change in Ukraine and abroad, particularly in its ability to spread an anti-colonial nationalism based on the radical separation of the Ukrainian and Russian peoples. From a theoretical point of view, the dissertation relativizes the exceptionality of the so-called "diasporic" engagement, showing that the political action of immigrants and their descendants follows mechanisms common to all social movements. Empirically, it gives historical depth to the mobilizations in the face of the war of 2022.