Thèse soutenue

Des animaux, des machines et des hommes ˸ fonte et refonte des inégalités au fil de l'eau et de l'énergie - 70 ans d'histoire agraire en Inde du Sud semi-aride

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Auteur / Autrice : Charlotte Hemingway
Direction : Claire AubronMathieu VigneLaurent Ruiz
Type : Thèse de doctorat
Discipline(s) : Sciences agronomiques
Date : Soutenance le 19/12/2023
Etablissement(s) : Institut Agro
Ecole(s) doctorale(s) : École Doctorale GAIA Biodiversité, agriculture, alimentation, environnement, terre, eau (Montpellier ; 2015-...)
Partenaire(s) de recherche : Laboratoire : Système d'élevage méditerranéens et tropicaux - SELMET - Montpellier SupAgro, dir-selmetcirad.fr
École d’inscription : L'Institut Agro Montpellier (2020-....)
Jury : Président / Présidente : Hubert Cochet
Examinateurs / Examinatrices : Claire Aubron, Hubert Cochet, Manuel González de Molina, Frédéric Landy, Souhil Harchaoui, Olivia Aubriot, Josette Garnier
Rapporteurs / Rapporteuses : Manuel González de Molina, Frédéric Landy

Résumé

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La mise en valeur de la petite région agricole de Rapthadu (district d’Anantapur, état d’Andhra Pradesh) en Inde du sud semi-aride s’est faite au prix d’importantes inégalités sociales, économiques et techniques. Depuis les années 1950, les choix politiques de l’état Indien ont été forts et matérialisés par une réforme agraire, une révolution jaune (secteur des oléaginaux, notamment l’arachide), une révolution verte (développement de l’irrigation par forage) et une révolution blanche (secteur laitier). Dans cette thèse, nous combinons deux approches pour étudier les dynamiques agraires de cette région depuis les années 1950 : celle de l’agriculture comparée communément utilisée pour étudier les dynamiques agraires et la différenciation sociale des exploitations agricoles d’un territoire ; celle du métabolisme social largement utilisée pour rendre compte des interactions entre sociétés et nature et les évaluer d’un point de vue environnemental, notamment par l’analyse de flux physiques d’énergie et de matière. Nous avons choisi de nous intéresser aux flux d’énergie (énergie du travail humain, animal, énergie brute calorifique des produits et énergie fossile) car ils permettent de rendre compte des changements d’une agriculture entièrement manuelle et à traction animale vers une agriculture qui s’appuie sur l’hybridation entre forces musculaires humaines et animales et moto-mécanisation. A travers des bilans hydriques, nous nous intéressons également aux flux d’eau afin de rendre compte des changements d’usages de cette ressource limitante dans cette région semi-aride. Cette étude se fait à l’échelle de la parcelle, du troupeau, de l’exploitation agricole mais aussi à l’échelle territoriale, par la reconstitution d’un village archétype de la région d’étude. Nous montrons ainsi que malgré les révolutions citées précédemment, les inégalités perdurent entre 1950 et aujourd’hui mais qu’elles ont pris de nouvelles formes : le système agraire des années 1950 était régi par des flux d’énergie du travail humain et animal tandis que le système agraire actuel est structuré par des flux d’énergie fossile et des flux d’énergie brute calorifiques des produits (notamment des fanes d’arachide et du fumier). Par ailleurs, une nouvelle forme d’exploitation (non consciente) entre systèmes de production qui rechargent l’eau de la nappe et d’autres qui la puisent a émergé. Dans ce milieu semi-aride, si l’utilisation de la ressource en eau souterraine ne s’est pas encore traduit comme dans d’autres endroits de l’Inde par un abaissement problématique du niveau de la nappe, nous montrons que cet équilibre est fondé sur de profondes inégalités sociales et est fragile.Ce travail est novateur car il prend en compte la diversité sociale dans les analyses de métabolisme et aussi parce qu’il reconstitue le métabolisme d’un territoire à deux pas de temps différents (les années 1950 et à la période actuelle) grâce à un long travail de terrain (observation, enquêtes, notamment rétrospectives) couplé à des données d’archives. La combinaison des deux approches permet d’une part de mieux intégrer les enjeux environnementaux dans les analyses des dynamiques agraires, et d’autre part de prendre en compte la diversité sociale dans les évaluations environnementales avec une considération importante des pratiques agricoles. En effet, les analyses de métabolisme considèrent souvent la société comme un « tout » et ne considèrent pas les catégories sociales et les rapports sociaux de production. Cette combinaison permet de révéler les enjeux de pouvoir derrière les enjeux de durabilité environnementale.