Thèse soutenue

Des embrouilles à la débrouille : des sorties de délinquance juvénile plurielles et incertaines

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Auteur / Autrice : Alice Gaïa
Direction : Philippe RobertRenée Zauberman
Type : Thèse de doctorat
Discipline(s) : Sociologie, démographie, anthropologie
Date : Soutenance le 28/03/2022
Etablissement(s) : université Paris-Saclay
Ecole(s) doctorale(s) : Sciences Sociales et Humanités
Partenaire(s) de recherche : Laboratoire : Centre de recherches sociologiques sur le droit et les institutions pénales (Guyancourt, Yvelines ; 1983-....)
référent : Université de Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines (1991-....)
graduate school : Université Paris-Saclay. Graduate School Sociologie et science politique (2020-....)
Jury : Président / Présidente : Sandrine Nicourd
Examinateurs / Examinatrices : Marie-Sophie Devresse, Nicolas Sallée, Annie Kensey, Marwan Mohammed
Rapporteurs / Rapporteuses : Marie-Sophie Devresse, Nicolas Sallée

Résumé

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Méconnu, en France, jusqu'en 2012, le concept de « désistance » désigne les processus par lesquels les personnes sortent de la délinquance. Il est apparu avec la sortie de deux ouvrages scientifiques :l'un, intitulé Les sorties de délinquance (2012), dirigé par MarwanMohammed (un sociologue) ; et l'autre, Insertion et désistance despersonnes placées sous main de justice (2012), co-dirigé par PaulMbanzoulou, Martine Herzog-Evans et Sylvie Courtine (proches de lacriminologie). Tous deux publiés à l'époque où une réforme pénale sepréparait, ces travaux signent, en France, le début d'une effervescence scientifique, et de débats interdisciplinaires autour de ceconcept. Une grande partie des travaux sur la désistance, qui émaned'une littérature anglo-saxonne construite à partir des années 1950,montre à quel point une situation socio-économique stable et de qualité soutient les trajectoires de sortie de délinquance (Sampson etLaub, 1990). Dans cette logique, en vieillissant et en devenant adulte,les individus s'investissent dans des réseaux de sociabilité différentsde celui des pairs déviants.C'est donc en reconfigurant progressivement leur style de vie que les individus mettraient un terme à leurspratiques délinquantes juvéniles. À un moment donné, ils ont enviede « se poser », « d'être tranquilles », comme le racontent les excondamnés interrogés. Mais « se poser » où et comment ? Quels sontles champs des possibles pour ces jeunes ex-condamnés qui, pour laplupart, ont accumulé des expériences de ségrégation et de précarité ? Pour comprendre ces longs processus de désengagement délinquant juvénile, cette thèse s'appuie sur quarante-trois récits de vied'(ex-)condamnés - dont trente-neuf, qui constituent le corpus principal. Âgés entre 18 et 30 ans au moment des entretiens biographiques(moyenne de 22,5 ans), les enquêtés (dont trente-neuf hommes etquatre femmes) ont fait l'expérience, alors qu'ils étaient mineurs,d'au moins deux prises en charge socio-judiciaires. Les entretiens ontété menés en France, dans trois régions différentes : une région urbaine, à la périphérie de Paris ; une région semi-urbaine dans l'ouestde la France ; une région plus rurale, située dans le centre de laFrance. Tous les enquêtés ont été impliqués dans de multiples pratiques délinquantes de « rue » : violences, trafic de stupéfiants, cambriolages, viols collectifs, etc., et ont été, pour une partie de ces pratiques illégales, judiciarisés. De par leur judiciarisation, et au regardde la gestion différentielle des illégalismes (Foucault, 1975), il s'agitdonc d'une population d'enquête issue de milieux populaires, et marquée par plusieurs formes de précarité et de relégation : sur le planterritorial, pour ceux ayant grandi dans des lieux enclavés ; sur leplan familial, à travers des difficultés (financières, psychologiques,etc.) éprouvées par les (ex-)condamnés ; enfin, sur le plan scolaire,pour ceux ayant fait l'expérience du « fond de la classe ». Pour l'analyse, cette thèse s'inscrit au croisement d'au moins quatre champs sociologiques : une sociologie de la déviance (Becker, 1963), une sociologie des parcours de vie (Grossetti et al., 2010) et des âges de la vie(Van de Velde, 2008) ainsi qu'une sociologie à l'échelle de l'individu(Lahire, 1998). Dans cette perspective, on s'intéresse, d'une part, auxsorties de délinquance juvénile au regard de leurs aspects pluriel, dynamique et processuel (Sampson et Laub, 2001). D'autre part, onmontre comment le tissu social, souvent écarté des travaux sur la «désistance », imprègne ces trajectoires de (dés)engagement délinquant et les rend si complexes. C'est, en particulier, en étudiant lesconditions d'existence des (ex-)condamnés, les institutions classiquesdans lesquelles ils sont passés, et les rencontres qu'ils ont pu établirtout au long de leur vie que les notions de « complexité » et de « pluralité » prennent sens dans ce travail.