Thèse soutenue

Domestication des champignons du fromage
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Auteur / Autrice : Bastien Bennetot
Direction : Jeanne Ropars
Type : Thèse de doctorat
Discipline(s) : Biologie
Date : Soutenance le 25/11/2022
Etablissement(s) : université Paris-Saclay
Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale Sciences du Végétal : du gène à l'écosystème
Partenaire(s) de recherche : Laboratoire : Écologie, systématique et évolution (Orsay, Essonne ; 2002-....)
référent : Faculté des sciences d'Orsay
graduate school : Université Paris-Saclay. Graduate School Biosphera (2020-....)
Jury : Président / Présidente : Cécile Fairhead
Examinateurs / Examinatrices : Warren Albertin, Joseph Schacherer, Jean-Luc Legras, Elisabeth Fournier
Rapporteurs / Rapporteuses : Warren Albertin, Joseph Schacherer

Mots clés

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Mots clés contrôlés

Résumé

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Aujourd'hui, la biodiversité est plus que jamais menacée par une destruction massive des environnements naturels, l'agriculture intensive et le dérèglement climatique. Il est donc plus qu'urgent et indispensable de mieux comprendre comment la biodiversité est générée et se maintient, pour être en mesure d'agir contre l'effondrement de la biodiversité. La domestication fournit un cadre intéressant pour comprendre les mécanismes d'adaptation et le rôle de la diversité génétique dans la génération et le maintien de la biodiversité. Darwin se sert d'ailleurs de la domestication comme modèle pour comprendre comment les espèces apparaissent et établir les bases de la théorie de l'évolution. En effet, la domestication est un cas spécifique d'adaptation, impliquant une sélection forte et récente et une divergence rapide en lignées évolutives séparées. L'être humain a domestiqué un grand nombre d'animaux et de plantes. Certains micro-organismes, dont les champignons, ont aussi été domestiqués pour fermenter les aliments, produire des antibiotiques, et pour leur qualité gustative. Les champignons sont de bons modèles eucaryotes pour étudier l'évolution, car des espèces phylogénétiquement proches occupent des niches écologiques différentes, et ils possèdent de nombreux avantages pour les études expérimentales (e.g. faciles à cultiver au laboratoire, temps de génération courts) et génomiques (petits génomes souvent haploïdes). Penicillium camemberti est la moisissure blanche et duveteuse typique en surface des fromages tels que le Camembert et le Brie. Nous avons montré que P. camemberti est le fruit d'une domestication en plusieurs étapes, menant à différentes variétés. Un premier évènement de domestication a conduit à l'émergence de la moisissure domestiquée bleue-grise nommée P. biforme, qu'on retrouve par exemple sur les fromages frais de chèvre. Un deuxième évènement de domestication, plus récent, a donné la lignée clonale P. camemberti. Les deux espèces domestiquées P. camemberti et P. biforme montrent des caractères avantageux pour l'affinage des fromages comparé à l'espèce sauvage proche. Nous avons aussi identifié deux variétés de P. camemberti aux phénotypes contrastés en termes de croissance, de couleur, de production de mycotoxines et de capacité d'inhibition des contaminants. La variété camemberti, blanche et duveteuse, est inoculée sur les fromages type camembert, alors que la variété caseifulvum, grise et moins duveteuse, est inoculée sur d'autres fromages comme le Saint Marcellin. Geotrichum candidum est un champignon retrouvé naturellement dans le lait. Les analyses génomiques ont révélé trois clades monophylétiques, un clade comprenant uniquement des souches sauvages, un clade d'origine mixte comprenant des souches sauvages et du fromage et un clade comprenant uniquement des souches isolées de fromage. Les souches du fromage ont des phénotypes différents des souches sauvages, comme une croissance plus lente sur tous les milieux, même fromage, une production importante de composés volatils souhaitable et une activité protéolytique plus faible. Au sein du clade fromage, nous avons identifié trois populations aux phénotypes contrastés. Les populations du fromage sont génétiquement diversifiées et montrent des traces de recombinaison ; il n'y a donc pas eu sélection d'une lignée clonale utilisée comme ferment mais de plusieurs souches génétiquement et phénotypiquement différentes. Une des populations du fromage montre des traces d'un état plus avancé de domestication, avec une diversité génétique moins importante que les autres populations, un mycélium plus dense et une capacité à inhiber plus efficacement des contaminants, comme P. camemberti. Penicillium camemberti est le résultat de la sélection d'un unique mutant alors que l'espèce G. candidum possède encore une grande diversité. On a donc, avec ces deux espèces, une vision contrastée de la domestication des champignons du fromage.