Du ḥisāb dans le désert : les textes de calculs dans la bibliothèque de Sīdiyyā al-Kabīr (1775-1868)
Auteur / Autrice : | Alexis Trouillot |
Direction : | Pascal Crozet |
Type : | Thèse de doctorat |
Discipline(s) : | Histoire et philosophie des sciences et des techniques |
Date : | Soutenance le 14/12/2022 |
Etablissement(s) : | Université Paris Cité |
Ecole(s) doctorale(s) : | École doctorale Savoir, sciences, éducation (Paris ; 2019-....) |
Partenaire(s) de recherche : | Laboratoire : Laboratoire Sciences philosophie histoire (Paris ; 2009-....) |
Jury : | Président / Présidente : Agathe Keller |
Examinateurs / Examinatrices : Agathe Keller, Marc Moyon, Erin Pettigrew, Souleymane Bachir Diagne, Eric Vandendriessche, Ismail Warscheid | |
Rapporteurs / Rapporteuses : Marc Moyon, Erin Pettigrew |
Mots clés
Résumé
Cette thèse est une histoire intellectuelle de la Mauritanie du XIXe siècle centrée sur les calculs arithmétiques arabes (hisab) et leurs applications au système de règles de partage des successions musulmanes (fara'id). Elle prend comme étude de cas, un corpus de manuscrits inédits de la bibliothèque de Sidiyya al-Kabir (1775-1868), un saint, dirigeant politique et érudit local de renom. Au cours des vingt dernières années, les manuscrits arabes conservés dans les bibliothèques d'Afrique subsaharienne ont fait l'objet d'une attention croissante en tant que sources d'histoire sociale et politique. Une augmentation du catalogage des manuscrits ouest-africains de la Mauritanie au Mali a contribué à cet intérêt des historiens. En revanche, la production savante locale a été négligée et décrite principalement comme uniquement axée sur la reproduction perpétuelle de textes d'auteurs anciens plus brillants par le biais de commentaires ou de versification plutôt que sur la production d'une pensée originale. Dans ce travail, je commence par décrire ce que Sidiyya a lu et écrit sur le hisab et les fara'id. Mon analyse textuelle commence par la copie de Sidiyya du Nuzhat al-'albab d'Anbuya b. al-Imam al-Walati (m. 1260/1843-4), un texte en prose et en vers dérivé du Kashf al-'asrar 'an 'ilm al-ghubar d'al-Qalasadi (m. 858/1454), l'un des textes les plus populaires sur le hisab dans la région. En analysant ce qu'al-Walati a versifié et commenté ainsi les parties du texte original sur lesquelles il s'est concentré, j'explique ce que commentaire subsaharien d'un texte mathématique apporte au texte d'origine. Comme Sidiyya était un lecteur à la fois du Kashf et du Nuzhat, cette analyse textuelle me permet également d'offrir une première évaluation de sa connaissance des procédures arithmétiques. Je me tourne ensuite vers un sujet dont la relation au hisab est diversement décrite comme primordiale ou minimisée à la fois par les sources primaires et par les sources secondaires : les fara'id. Non seulement Sidiyya connaissait bien cette discipline, ayant acquis et étudié plusieurs livres à ce sujet, il a également écrit son propre traité, un commentaire du précis de droit appelé le Mukhtasar Khalil. Je montre que la relation aux nombres, et en particulier aux fractions, affichée dans ce commentaire est fondamentalement différente de la façon dont les nombres sont conceptualisés et exploités par rapport aux textes sur le hisab de la région. Cependant, si cette différence de traitement des nombres se vérifie dans les traités qui placent les fara'id comme une sous-discipline du droit islamique et en présentent les règles, des textes d'un genre différent explorent et jouent avec les liens entre les deux disciplines. L'étude d'une fatwa de Sidiyya -un avis juridique destiné à être diffusé- révèle une relation bien présente entre hisab et fara'id. En effet, Sidiyya fabrique un problème pour qu'il soit aussi compliqué que possible tout en y cachant un défi arithmétique pour le lecteur.