Stigmatisation intériorisée, processus et implications : étude auprès de consommateurs et consommatrices d'alcool

Process and implication of self-stigma among alcohol users in France

• Auteur / Autrice : Léna Milan
• Direction : Isabelle Varescon
• Type : Thèse de doctorat
• Discipline(s) : Psychologie
• Date : Soutenance le 15/12/2022
• Etablissement(s) : Université Paris Cité
• Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale Cognition, comportements, conduites humaines (Paris ; 1996-....)
• Partenaire(s) de recherche : Laboratoire : Laboratoire de Psychopathologie et Processus de santé (Paris ; 2006-....)
• Jury : Président / Présidente : Pierluigi Graziani
• Jury : Examinateurs / Examinatrices : Pierluigi Graziani, Delphine Grynberg, Lucia Romo, Pierre Maurage
• Jury : Rapporteur / Rapporteuse : Delphine Grynberg, Lucia Romo

Mots clés

Mots clés contrôlés

Émotions

Culpabilité

Honte

Alcoolisme

Stigmatisation (psychologie sociale)

Mots clés libres

Stigmatisation intériorisée

Honte

Culpabilité

Émotions réflexives

Trouble de l'usage d'alcool

Self-Stigma

Shame

Guilt

Self-Conscious emotion

Alcohol use disorder

Résumé

Contexte L'usage d'alcool est très répandu en France, souvent banalisé et normalisé. Le trouble de l'usage d'alcool est, quant à lui, bien plus stigmatisé. Les stigmates existant à l'encontre des usagers sont parfois ancrés, intériorisés par ces derniers et finissent par prendre une part importante de leur identité. D'après une conceptualisation processuelle de ce phénomène, les personnes seraient d'abord conscientes des stigmates, puis en accord avec ceux-ci. Par la suite, elles s'appliqueraient les stéréotypes à elles-mêmes, aux conséquences délétères. En revanche, ce modèle reste majoritairement centré sur l'intégration cognitive et les conséquences comportementales (consommations successives, isolement, difficultés d'accès aux soins, etc.) mais l'aspect émotionnel n'y est pas étudié. Par ailleurs, on sait que, la honte et la culpabilité, deux émotions réflexives, semblent intervenir dans l'usage d'alcool de manière opposée. La littérature a mis en avant un rôle protecteur de la culpabilité, mais un rôle délétère de la honte dans la consommation d'alcool. Il parait alors essentiel d'étudier l'intrication de telles émotions dans les processus d'intériorisation des stigmates chez les usagers d'alcool. Aussi, l'objectif général du présent travail de thèse est d'évaluer l'implication de la honte et de la culpabilité dans le processus d'intériorisation des stigmates liés à l'usage d'alcool. Méthode Pour répondre à cet objectif, une étude quantitative, validée par le comité d'éthique de la recherche de l'Université Paris Cité, a été mise en place. Composé de 8 auto-questionnaires, ce protocole a été complété par 114 participants recrutés à partir de critères d'inclusion définis, dans un service d'addictologie. Les outils d'évaluation concernaient les questionnaires sur la consommation d'alcool, la consommation d'autres substances psychoactives, la honte et la culpabilité, la stigmatisation intériorisée, la stigmatisation perçue, la symptomatologie dépressive et anxieuse, l'estime de soi ainsi que des questionnaires d'informations relatives à la santé et à la consommation et des informations sociodémographiques. Différentes analyses statistiques ont été effectuées afin d'évaluer les qualités psychométriques de deux échelles traduites pour les besoins du présent travail, d'étudier et de valider le modèle progressif d'intériorisation des stigmates et d'évaluer les relations entre la honte, la culpabilité, la stigmatisation intériorisée et la consommation d'alcool. Résultats Les résultats obtenus ont permis de montrer une intériorisation progressive et linéaire des stigmates par les personnes présentant un trouble de l'usage d'alcool, conformément aux études princeps. Par ailleurs, l'évaluation du rôle de la honte et de la culpabilité confirme l'implication négative de la honte tant dans la consommation d'alcool que dans l'intériorisation des stigmates. Une analyse approfondie en profil latent a, quant à elle, permis une exploration plus en détail de l'implication et l'intrication de ces deux émotions réflexives. Par ailleurs, l'étude des qualités psychométriques de deux échelles traduites pour les besoins de cette étude questionne les limites de ces outils et nous amène à discuter les orientations possibles dans de futures travaux. Conclusion Les résultats obtenus permettent d'initier la validation d'outils psychométriques évaluant spécifiquement la stigmatisation intériorisée et les émotions réflexives de honte et de culpabilité dans l'usage d'alcool. Par ailleurs, ceux-ci montrent la présence de la honte dans l'intériorisation des stigmates, envisageant ainsi un levier thérapeutique important pour agir tant sur le plan cognitif, comportemental, mais également émotionnel. Ces travaux doivent être envisagés avec la nécessité d'approfondir les recherches dans un but d'amélioration de la compréhension, mais aussi et surtout, dans le but de développer des approches thérapeutiques fondées sur les preuves.

Context Alcohol use is widespread in France, often trivialized and normalized, while alcohol use disorder is much more stigmatized. The stigma that exists against users is sometimes anchored, internalized by them and ends up taking an important part of their identity. According to a processual conceptualization of this phenomenon, people are first aware of the stigma, then, they agree with it, and then they apply the stereotypes to themselves, which has many deleterious consequences. On the other hand, this model remains mainly focused on cognitive integration and behavioral consequences (successive consumption, isolation, inability to attend health care centers, etc.) and the emotional aspect is not studied. At the same time, shame and guilt, two reflexive emotions, seem to intervene in alcohol use in an antinomic way. The literature has highlighted a protective role for guilt, but a deleterious role for shame in alcohol consumption. It therefore seems essential to question the interplay of such emotions in the processes of internalization of stigma in alcohol users. Thus, the general objective of the present thesis is to evaluate the involvement of shame and guilt in the process of internalization of stigma related to alcohol use. Method A quantitative study, validated by an ethics committee, was set up to address this question. Composed of 8 self-administered questionnaires, a research protocol was filled out by 114 participants recruited from the addictology department of the René Muret Hospital in Sevran. This protocol included questionnaires on alcohol consumption, consumption of other psychoactive substances, shame and guilt, self-stigma, perceived stigma, depressive and anxious symptomatology, self-esteem, as well as questionnaires on health and consumption information and sociodemographic information. Various statistical analyses were performed to evaluate the psychometric qualities of two scales translated for the purpose of the present work, to study and validate the progressive model of stigma internalization, and to evaluate the relationships between shame, guilt, and internalized stigma. Results Results showed a progressive and linear internalization of stigma by people with alcohol use disorders, in accordance with the main studies. Moreover, evaluation of shame and guilt involvement allowed us to confirm the negative implication of shame in alcohol consumption as well as in the internalization of stigma and the absence of a link with guilt. An in-depth analysis in latent profile allowed a more detailed exploration of the implication and the intricacy of these two reflexive emotions. In addition, the study of the psychometric qualities of two scales translated for the needs of this study allowed us to observe the limits of these tools and to discuss possible orientations in future work. Conclusion The results obtained allow us to initiate the validation of psychometric tools specifically evaluating self-stigma and the reflexive emotions of shame and guilt in alcohol use. Moreover, these tools allow us to observe the presence of shame in the internalization of stigmas, leaving the way open to an important therapeutic lever to act on the cognitive, behavioral and emotional levels. This work must be considered in the need for further research in order to improve understanding but also and above all, in order to develop evidence-based therapeutic approaches.