Thèse soutenue

Aux confins du corps et de la psyché : une exploration des enjeux psychiques en réanimation, de la sensorialité à la narrativité

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Auteur / Autrice : Sabine Sportouch
Direction : Isée Bernateau
Type : Thèse de doctorat
Discipline(s) : Recherches en psychanalyse et psychopathologie
Date : Soutenance le 07/12/2022
Etablissement(s) : Université Paris Cité
Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale Recherches en psychanalyse et psychopathologie (Paris ; 2001-....)
Partenaire(s) de recherche : Laboratoire : Centre de Recherches Psychanalyse, Médecine et Société (Paris ; 2001-....)
Jury : Président / Présidente : Ouriel Rosenblum
Examinateurs / Examinatrices : Ouriel Rosenblum, Jean-François Chiantaretto, Raphaël Minjard, Jean-Marc Talpin
Rapporteurs / Rapporteuses : Jean-François Chiantaretto, Raphaël Minjard

Résumé

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Cette recherche explore la vie psychique des patients en réanimation, de la sensorialité à la narrativité. Elle en décrit les enjeux dans le temps de cette expérience traumatique caractérisée par une effraction de la sensorialité et une fragilisation des assises de la subjectivité. Elle interroge, dans ce contexte marqué par la maladie, le risque de décès et les soins invasifs, la possibilité d'une réorganisation par la narrativité. La préséance du somatique questionne la place du soin psychique et les spécificités que celui-ci requiert dans une écoute et une présence adaptées, plaçant la rencontre avec le psychologue clinicien sous le signe de l'attachement qui peut permettre l'émergence d'une parole, voire d'une narration. Dans ces lieux de l'urgence somatique peut se déployer le roman du malade, celui-ci se saisissant de ce moment aux confins de la mort et de la vie, pour déposer son histoire et ses traumatismes antérieurs. Mais, dans cette clinique, où le corps et les éléments sensoriels sont au premier plan, l'importance du négatif de cette parole se fait jour : l'analyste invente des manières de faire sans que la parole ne soit son seul outil. L'absence du langage parlé chez le patient douloureux, sédaté ou entravé invite à aborder ces lieux de l'informe et de l'archaïque de la subjectivité, aux sources premières de la symbolisation, là où nous nous trouvons sollicités par un langage en images et en éprouvés. Nous décrivons dans ce cadre-là comment nous travaillons aux confins du corps et de la psyché, aux approches de ces lieux obscurs, énigmatiques où l'on a affaire aux affects et où l'on se doit d'être attentif à ses propres éprouvés contre-transférentiels, pour mieux comprendre les phénomènes proto-mentaux, mi-psychiques, mi-somatiques, éléments premiers de l'espace imaginaire du patient, en-deça de la parole, potentiellement fondateurs d'un discours narratif soutenu par la construction conjointe d'un espace relationnel. Dans les contrées les plus instables où le corps et la psyché se confondent ou se défont, la construction de liens interhumains et interpsychique s'avère indispensable et encourage la parole et la créativité, à l'aune de la destructivité à l’œuvre. Dans cette clinique de l'extrême s'impose le recours à des outils adaptés aux situations rencontrées, renouvelant ainsi une posture clinique soucieuse d'aménager et d'interroger sans cesse son cadre, de métisser les pratiques et de remettre en question ses référentiels théoriques. Aux limites de l'expérience humaine, là où le sujet peut être confronté à la sidération et à une paralysie de l'activité de penser, la clinique et la théorie du sujet sont questionnées et la présence, l'accompagnement et le partage d'affect exigent qu'on y développe de nouveaux outils d'attention, d'observation et d'intervention, témoignant de souplesse, d'inventivité et de créativité. La narrativité interne de l'analyste en est une des formes et permet de maintenir un cadre interne, quand le cadre externe est sans cesse bousculé. En montrant l'importance d'une attention à la vie psychique du patient de réanimation, nous favorisons ainsi l'expression d'une parole libre dans un espace qui est souvent fait de désappropriation. Ce travail de recherche témoigne enfin de l'importance d'espaces sublimatoires de pensée et d'écriture pour y faire face, comme autant de destins de la pulsion de vie. La dimension pulsionnelle trouve toujours à se réinscrire dans telle rencontre, duelle ou plurielle dans le temps de la survie ou celui du trépas, avec le patient, avec les soignants, avec les familles. Car avec l'être humain, même dans les champs ultimes des besoins du corps, il est toujours aussi question de désir.