« Vivas en la memoria » : tensions pour la reconnaissance et luttes pour la justice autour des fémicides au Costa Rica
Auteur / Autrice : | Mariana Rojas Mora |
Direction : | Jules Falquet |
Type : | Thèse de doctorat |
Discipline(s) : | Sociologie et genre |
Date : | Soutenance le 18/02/2022 |
Etablissement(s) : | Université Paris Cité |
Ecole(s) doctorale(s) : | École doctorale Sciences des sociétés (Paris ; 2019-....) |
Partenaire(s) de recherche : | Laboratoire : Laboratoire de changement social et politique (Paris ; 2014-...) |
Jury : | Président / Présidente : Patrick Cingolani |
Examinateurs / Examinatrices : Patrick Cingolani, Ignacio Dobles, James Cohen, Montserrat Sagot, Lucía Melgar | |
Rapporteur / Rapporteuse : Ignacio Dobles, James Cohen |
Mots clés
Résumé
Le fémicide est une réalité qui a été présente tout au long de l'histoire de l'humanité. La persécution et l'assassinat de milliers de femmes à la fin du Moyen Age, sous l'argument qu'elles étaient accusées de sorcelleries, est un exemple important de comment l'assassinat des femmes a été utilisé par le pouvoir des hommes pour blesser et menacer les femmes dans leur ensemble. Bien que ce problème existe depuis des siècles, ce n'est qu'en 1976, lors du premier Tribunal international sur les Crimes contre les Femmes qui s'est tenu en Belgique à Bruxelles, qu'un mot spécifique est apparu pour la première fois pour nommer cette terrible réalité. Depuis son origine, la construction du concept de fémicide a été articulée et promue par le mouvement féministe. Dans les années 90, le fémicide a acquis une dimension plus analytique, étant défini comme l'extrémité d'un continuum de violences contre les femmes (Radford et Russell, 1992). L'Amérique latine et les Caraïbes est la région depuis laquelle la question du fémicide a été largement développée, discutée et approfondie. Au Costa Rica, les chercheuses féministes Ana Carcedo et Montserrat Sagot (2002) ont réalisé l'une des premières études empiriques sur le fémicide dans la région. C'est également dans ce pays que le fémicide a eu un contexte de passage pénal/juridique pour la première fois au monde (2007). Comme on peut le constater, le Costa Rica a une longue expérience en matière de recherche et d'analyse sur le sujet et est pionnier dans la judiciarisation de la problématique du fémicide. C'est dans ce contexte que surgit l'intérêt de contribuer, dans une perspective sociologique, critique et féministe, aux études sur le fémicide dans le pays. Cette thèse analyse les tensions historiques et actuelles qui entourent la reconnaissance des fémicides dans le pays, et leurs relations avec les luttes pour la justice menées ces dernières années par les familles, les communautés et le mouvement féministe (2017 - 2020). Pour cela, je développe une généalogie critique du concept de fémicide/féminicide, dans le but de comprendre les imbrications historiques et intellectuelles entre le mouvement féministe et la production de connaissances. Il m'intéresse particulièrement de souligner le rôle pionnier du Costa Rica et de l'Amérique centrale dans la recherche sur le fémicide. Ensuite, j'analyse qualitativement les données statistiques qui ont été produites au Costa Rica des années 1990 jusqu'à aujourd'hui. Pour cela, j'ai réalisé une analyse exhaustive des premières recherches féministes sur ce sujet dans le pays (Carcedo et Sagot, 2002 et Hidalgo, 2009), ainsi qu'une analyse des rapports statistiques produits par le Pouvoir Judiciaire, et donc l'État pour la période 2007 - 2020. Cet exercice critique m'a permis de créer un outil d'analyse : la cartographie des fémicides (www.cartografiafemicidioscr.com). Il s'agit d'un produit résultant de la thèse qui cherche à créer des moyens alternatifs pour rendre accessibles les résultats de la recherche. Finalement, à la dimension politique de la reconnaissance des fémicides par l'État à travers ses chiffres officiels, s'ajoute la dimension matérielle directement associée à l'accès à la justice. Dans ce sens, j'analyse en profondeur cinq cas de fémicide où des actions collectives ont été menées par des proches des femmes victimes. À travers ces cinq histoires, les tensions et les limites de l'État dans la reconnaissance des fémicides deviennent évidentes ; et en même temps, elles montrent le pouvoir et la force qui émanent d'une lutte incarnée par ces acteurs sociaux. Comme conséquence de cette difficile lutte, le Costa Rica a réformé et élargi la définition pénale du fémicide en 2021, démontrant ainsi l'importance de ces nouveaux sujets politiques.