Thèse soutenue

Les "incidentalomes" et l'imagerie médicale : voir, savoir ?

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Auteur / Autrice : Cédric Gesbert
Direction : Marie-France Mamzer
Type : Thèse de doctorat
Discipline(s) : Ethique médicale
Date : Soutenance le 01/02/2022
Etablissement(s) : Université Paris Cité
Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale Sciences juridiques, politiques, économiques et de gestion (Malakoff, Hauts-de-Seine ; 1996-....)
Partenaire(s) de recherche : Laboratoire : Centre de recherche des Cordeliers (Paris ; 2007-....)
Jury : Président / Présidente : Laure Fournier-Dujardin
Examinateurs / Examinatrices : Laure Fournier-Dujardin, Bénédicte Bévière-Boyer, Florian Scotté, Sadek Beloucif, Éric Charmetant
Rapporteurs / Rapporteuses : Bénédicte Bévière-Boyer, Florian Scotté

Résumé

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Contexte : Les procédés techniques d'imagerie sont le garant de la visibilité du clinicien qui est confronté à l'opacité du corps. Ainsi, l'imagerie médicale perce l'obscurité de la chair pour y rechercher d'invisibles lésions. Ces recherches impliquent la génération de nouvelles données qui ne peuvent, parfois, être corrélées à un symptôme clinique ou aux raisons de la recherche effectuée. Ces découvertes inattendues ou fortuites ont donné lieu en 1982 à l'invention d'un néologisme, l' « incidentalome », qui semble cristalliser les interrogations des cliniciens sur les découvertes fortuites faites par les radiologues. Pourtant il ne semble pas posséder de définition bien précise. Comment un terme sans définition consensuelle a-t-il pu se propager dans la littérature médicale ? Ce terme a-t-il un usage dans la clinique des radiologues, des endocrinologues et des chirurgiens ? Ce terme trouve t'il écho dans les domaines de la médecine aussi impactés par la problématique des découvertes fortuites comme la génétique ? Ce terme est-il le signe d'une médecine fondée sur un « tout voir, tout savoir » qui privilégie avant tout les données quantifiables générées par un matériel technologique de pointe ? Méthode : Après une observation initiale en immersion dans le service radiologie de l'Hôpital Européen Georges Pompidou (HEGP), les pratiques radiologiques ont été documentées à partir de la littérature scientifique et médicale existante, d'une étude rétrospective portant sur des dossiers de patients ayant fait l'objet d'une découverte fortuite abdominale puis d'un questionnaire de portée nationale destiné aux radiologues. Résultats : La revue de la littérature démontre que malgré l'existence d'un grand nombre de publications utilisant le terme « incidentalome », celui-ci ne semble pourtant pas posséder de définition bien précise ou consensuelle. L'étude des dossiers démontre que ni le terme « incidentalome » ni l'expression « découverte fortuite » ne sont utilisés dans les comptes-rendus pour décrire les découvertes réalisées. Les radiologues ayant répondu au questionnaire, confirment que les découvertes fortuites les confrontent à une incertitude sur leur étiologie et leur gravité posant la question de l'information du patient. Conclusions : Les « incidentalomes » permettent de voir l'imagerie non plus comme un simple moyen diagnostique mais comme un moyen de générer de nouvelles données hors de tout raisonnement clinique antérieur ou de toute plainte du patient. Leur fréquence élevée a permis au fil du temps, leur intégration par les radiologues dans l'ordre des éventualités à anticiper par des recommandations. Ces découvertes ne sont donc plus fortuites, ni même inattendues, mais bien secondaires à l'usage de la technologie en santé comme c'est le cas en génétique, posant la question de l'information du patient qui demeure épineuse et non consensuelle. Au-delà de cela, ces « incidentalomes » semblent battre en brèche le rêve fou de la clinique qui espérait voir et savoir en une continuité parfaite.