Thèse soutenue

Jacques Rivière et les leçons de La NRF : modalités et pratique d'une relation critique

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Auteur / Autrice : Alix Tubman-Mary
Direction : Dominique Rabaté
Type : Thèse de doctorat
Discipline(s) : Histoire et sémiologie du texte et de l'image
Date : Soutenance le 01/12/2022
Etablissement(s) : Université Paris Cité
Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale Langue, littérature, image, civilisations et sciences humaines (domaines francophone et anglophone) (Paris ; 1992-....)
Partenaire(s) de recherche : Laboratoire : Centre d'étude et de recherche interdisciplinaire de l'UFR LAC (Paris ; 2009-....)
Jury : Président / Présidente : Dominique Vaugeois
Examinateurs / Examinatrices : Dominique Vaugeois, François Trémolières, Sophie Basch
Rapporteur / Rapporteuse : François Trémolières, Sophie Basch

Résumé

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Les quatre dossiers qui composent cette thèse par VAE sont étroitement reliés les uns aux autres. Ils interrogent une forme de critique qu'on a longtemps dite « empathique », non sans parenté avec la « critique de la conscience » ou « la relation critique » présentées par l'école de Genève. Mais la compréhension de cet objet d'étude tend à se dérober lorsqu'on l'aborde sous le seul projecteur d'un discours théorique et métacritique qui lui est par nature antipathique. Je mènerai donc mon enquête en premier lieu sous l'angle du récit introspectif, pour expliquer comment et à travers quelles conditions j'ai pratiqué ce type de lecture. Croisant les approches de l'histoire littéraire, de l'histoire des idées, de la sociologie de la littérature et de l'analyse littéraire, j'ai ensuite procédé à un examen des raisons qui fondaient l'exceptionnel discernement de Jacques Rivière et le décollage, sous son secrétariat et sa direction, de La Nouvelle Revue Française. Le lointain inspirateur de l'école de Genève, à travers Albert Béguin et surtout Marcel Raymond, l'homme qui avouait « avoir introduit dans la critique les moeurs de l'amour » est bien loin de défendre une vision purement esthétique de la littérature. Comme bien des collaborateurs de La NRF, venu de la philosophie, il se tourne vers une critique heuristique qui s'interdit la technicité savante et s'efforce de mettre au jour, dans l'interaction critique, les fruits de l'observation de soi-même, des émotions et de la pensée, se tenant à l'affût des évolutions de son temps et refusant absolument le cloisonnement entre littérature et sciences humaines. C'est en m'insérant enfin dans le travail de réception qui se bâtit autour de deux écrivains de l'extrême-contemporain que je m'exerce à comprendre, par une démarche « performative », en quelque sorte, la nature d'une relation critique vivante, fondée sur une expérience sensible et émotive, dont j'ai étudié d'abord les modalités et le fonctionnement chez Rivière et à La NRF. Je propose ainsi deux essais sur les romanciers Jean-Benoît Puech et Jean-Paul Goux. Le premier de ces écrivains est à bien des égards un héritier de la tradition NRF. Fasciné par l'absolu littéraire, diariste, épistolier, essayiste, il a mis en place un univers ludique réversible où la permutation des rôles et le commerce avec le lecteur sont constamment présents. Avec Puech, la théorie devient fiction et se fait aventure romanesque. Jean-Paul Goux, de son côté, a édifié une oeuvre romanesque puissante, originale, emmenée par un phrasé qui porte, plutôt que l'intrigue, la dynamique du texte : il défend le roman comme fabrique du continu, comme « site archéologique » où résister à l'émiettement de l'espace-temps. Dans un cas comme dans l'autre, on a affaire à des oeuvres qui requièrent de leurs lecteurs, comme de leurs créateurs, la patience « d'habiter le temps ».