Étude fonctionnelle de la protéine PfKelch13 impliquée dans la résistance de Plasmodium falciparum à l'artémisinine
Auteur / Autrice : | Laurine Rondepierre |
Direction : | Jérôme Clain |
Type : | Thèse de doctorat |
Discipline(s) : | Parasitologie |
Date : | Soutenance le 24/05/2022 |
Etablissement(s) : | Université Paris Cité |
Ecole(s) doctorale(s) : | École doctorale Médicament, toxicologie, chimie, imageries (Paris ; 2014-....) |
Partenaire(s) de recherche : | Laboratoire : Mère et enfant en milieu tropical : pathogènes, système de santé et transition épidémiologique (Paris ; 2010-...) |
Jury : | Président / Présidente : Isabelle Callebaut |
Examinateurs / Examinatrices : Isabelle Callebaut, Olivier Silvie, Mauld Lamarque, Françoise Benoît-Vical | |
Rapporteurs / Rapporteuses : Olivier Silvie, Mauld Lamarque |
Résumé
Le paludisme est une maladie infectieuse causée par des parasites unicellulaires du genre Plasmodium transmis à l'Homme par piqûre d'anophèles. Depuis les années 2000, des parasites résistants aux traitements de première intention à base d'artémisinine se sont répandus en Asie du Sud-Est, et depuis très récemment en Afrique de l'Est. Cette résistance à l'artémisinine se traduit cliniquement par un allongement de la durée d'élimination des parasites après traitement et est déterminée par des mutations non-synonymes dans le gène pfkelch13 (pfk13). PfK13 est une protéine essentielle chez P. falciparum et est localisée à la surface du parasite dans des structures impliquées dans l'endocytose de l'hémoglobine de la cellule hôte. Les mutations de résistance sont principalement localisées dans le domaine propeller de PfK13 et diminuent le catabolisme de l'hémoglobine qui contrôle l'activation de l'artémisinine en dérivés toxiques. Ces mutations entraînent une perte d'activité globale de PfK13 par diminution de la quantité cellulaire de la protéine. Les régions fonctionnelles de PfK13 sont cependant très mal caractérisées. Des études évolutives et structurales réalisés récemment dans notre laboratoire ont mis en évidence une poche extrêmement conservée à la surface du domaine propeller de PfK13 et que nous supposons être une zone fonctionnelle. Ce travail a pour objectif de tester expérimentalement, par des approches génétiques et pharmacologiques, si la poche conservée du domaine propeller de PfK13 est associée à un rôle fonctionnel. Plusieurs résidus d'acides aminés de cette poche (R529, R597, S576, S577, et E688) ont été identifiées in silico comme potentiellement critiques considérant leur localisation, leur conservation au cours de l'évolution, et leurs propriétés physico-chimiques. Des transfections ont été réalisées par la méthode selection-linked integration pour créer des parasites mutants artificiels (R529K, R529Q, R529A, R597K, R597Q, R597A, double mutant S576A-S577A, et E688K), un contrôle sauvage (WT) et un mutant connu de résistance à l'artémisinine (C580Y). Les lignées transgéniques R529A et R597A n'ont jamais été obtenues, malgré six tentatives indépendantes. Pour tester la solubilité des protéines mutantes PfK13 R529A et R597A, un protocole d'expression chez Escherichia coli a été développé. Dans nos conditions expérimentales, la solubilité des protéines mutantes purifiées était similaire à celle de la protéine sauvage, suggérant que ces mutations pourraient altérer d'autres propriétés de la protéine. Les huit autres lignées transgéniques ont été validées concernant l'intégration chromosomique (PCR et séquençage), la détection de PfK13 par western-blot, et la localisation intracellulaire du tag Green Fluorescent Protein fusionné à PfK13. Le phénotype de résistance in vitro des mutants artificiels a été déterminé par la technique du RSA0-3h, permettant de mesurer le taux de survie des parasites après exposition à la dihydroartémisinine. Un taux de survie légèrement mais significativement augmenté a été mesuré pour plusieurs lignées (R529Q, R529K, R597K, et S576A-S577A), suggérant une modification de l'activité de PfK13 pour ces mutants. Des expériences complémentaires sont en cours pour déterminer si ces mutations dans la poche modifient la quantité ou d'autres propriétés de PfK13. En complément, neuf inhibiteurs connus de la poche du propeller de KEAP1 (homologue humain de PfK13) ont été sélectionnés par docking moléculaire comme molécules candidates ciblant la poche de PfK13. Quatre de ces molécules ont inhibé modérément la croissance parasitaire in vitro, bien que l'on ignore à ce stade si ces molécules ciblent effectivement la poche de PfK13. En conclusion, ces travaux montrent que plusieurs positions de la poche du domaine propeller contribuent à l'activité de PfK13, car certaines mutations semblent critiques pour la survie du parasite et d'autres sont associées à un phénotype de résistance à l'artémisinine.