Impact des thérapeutiques anticancéreuses et antibiotiques sur les bactéries et le microbiote digestif
Auteur / Autrice : | Claire Hobson |
Direction : | Olivier Tenaillon |
Type : | Thèse de doctorat |
Discipline(s) : | Infectiologie |
Date : | Soutenance le 31/03/2022 |
Etablissement(s) : | Université Paris Cité |
Ecole(s) doctorale(s) : | École doctorale Bio Sorbonne Paris Cité (Paris ; 2014-....) |
Partenaire(s) de recherche : | Laboratoire : Infection, anti-microbien, modélisation, évolution (Paris) |
Jury : | Président / Présidente : Laurence Armand-Lefèvre |
Examinateurs / Examinatrices : Laurence Armand-Lefèvre, Marie-Cécile Ploy, Thierry Naas, Paul-Louis Woerther, Solen Kernéis | |
Rapporteurs / Rapporteuses : Marie-Cécile Ploy, Thierry Naas |
Mots clés
Résumé
Les anticancéreux n'étant pas spécifiques des cellules cancéreuses, ils pourraient également affecter les bactéries et leur écosystème comme le microbiote intestinal. Nous avons évalué l'impact de 7 chimiothérapies anticancéreuses sur la fréquence d'apparition de mutants résistants à plusieurs antibiotiques (dont la ceftazidime-avibactam) sur des isolats cliniques d'entérobactéries productrices de carbapénémases de type KPC. La comparaison de ces fréquences avec/sans chimiothérapie montre que le taux de mutation bactérienne associée à la résistance au ceftazidime-avibactam augmente jusqu'à 103 fois en présence de certaines chimiothérapies. Afin d'identifier les mécanismes moléculaires à l'origine de cette résistance, nous avons caractérisé les allèles de KPC associés aux mutants sélectionnés et avons objectivé des mutations au sein de la carbapénémase de type KPC. Afin d'évaluer le paysage adaptatif mutationnel de la beta-lactamase KPC nous avons étendu l'analyse allélique des mutants résistants à la ceftazidime-avibactam. Sur 96 mutants criblés, 19 indels (impliquant de 2-15 acides aminés) ont été retrouvé tous situés dans les boucles entourant le site actif. Trois phénotypes de sensibilité aux antibiotiques se dégagent : un phénotype de type Bêta-lactamase à spectre étendu, une activité hautement spécialisée limitée à la ceftazidime et un phénotype de type KPC avec une moindre activité carbapénèmase. La grande tolérance aux indels de la protéine KPC reflète son grand potentiel évolutif. Une analyse bibliographique approfondie nous a conduit à étudier les relations entre les cancers, les médicaments anticancéreux, les bactéries et leur écosystème comme le microbiote intestinal. Non seulement les bactéries peuvent influencer l'efficacité des traitements (via la stimulation du système immunitaire notamment), mais en retour, les anticancéreux peuvent avoir un impact sur le génome bactérien et donc également sur le microbiote intestinal. Cette analyse souligne l'importance de mieux comprendre la relation entre le microbiote intestinal, l'hôte et les thérapeutiques. Ces conclusions nous ont amené à implémenter un modèle simple permettant d'étudier les relations entre bactérie-microbiote intestinal et thérapeutiques. Le système MBRA (MiniBioReactor Array) est un modèle de culture à flux continu, placé dans une chambre anaérobie et constitue un modèle de colon in vitro. Il nous a permis d'évaluer l'impact d'une céphalosporine de troisième génération (ceftriaxone) sur le microbiote intestinal de 2 donneurs sains, ainsi que l'impact de 2 médicaments anticancéreux (daunorubicine et hydroxycarbamide). Une analyse microbiome 16S nous a permis d'évaluer la diversité microbienne et les changements taxonomiques entrainés par ces traitements. Le MBRA préserve les spécificités de chaque donneur, qui, fait notable, sont maintenues tout au long de l'expérience. La ceftriaxone est associée à une diminution de la diversité alpha et à une augmentation de l'indice de diversité bêta, de façon concentration-dépendante. L'impact était minoré sur le microbiote du donneur ayant une activité bêta-lactamase marquée au sein du microbiote intestinal. L'activité bêta-lactamase endogène du microbiote semblait donc protéger le microbiote lui-même de la dysbiose induite par la ceftriaxone. La réponse du microbiote intestinal à la ceftriaxone dépend donc du donneur et de la concentration de l'antibiotique. Les médicaments anticancéreux entraînaient des effets mineurs sur le microbiote intestinal. Néanmoins, la daunorubicine a été associée à un changement significatif dans la diversité et dans le ratio Firmicutes sur Bacteroidetes; un biomarqueur de la dysbiose; d'une manière donneur-dépendante. Comparativement, l'impact de l'hydroxycarbamide était négligeable. Ainsi, l'impact in vivo rapporté des médicaments anticancéreux sur le microbiote intestinal semble être la résultante de facteurs Hôte, molécules cytotoxiques et autres thérapeutiques.