Thèse soutenue

La voix d'Albert Camus entre subjectivité et retraduction

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Auteur / Autrice : Giulio Sanseverino
Direction : Camilla Maria CedernaPaolo Tamassia
Type : Thèse de doctorat
Discipline(s) : Langue et littérature françaises
Date : Soutenance le 30/09/2022
Etablissement(s) : Université de Lille (2022-....) en cotutelle avec Università degli studi di Trento (Trentin, Italie)
Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale Sciences de l'homme et de la société (Lille ; 2006-....)
Partenaire(s) de recherche : Laboratoire : Centre d'études en civilisations, langues et littératures étrangères (Villeneuve-d'Ascq, Nord)
Jury : Président / Présidente : Antonio Lavieri
Examinateurs / Examinatrices : Francesca Manzari, Elisa Bricco
Rapporteur / Rapporteuse : Antonio Lavieri, Silvia Contarini

Mots clés

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Résumé

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Cette étude envisage les retraductions littéraires comme les étapes d'un parcours où chaque manifestation textuelle est le résultat unique de la rencontre entre les nécessités historico-culturelles qui l'ont déterminée et la poétique de l'individu qui la prend en charge en tant que médiateur. Contre l'hypothèse de la retraduction avancée par Berman et Bensimon (1990), formalisée ensuite par Chesterman (2000) et préconisant une perspective logocentrique en dehors de l'expérience concrète de la retraduction - à savoir une progression à rebours vers la lettre du texte source - la ligne de recherche adoptée ici adhère à une idée moins déterministe de l'évaluation des séries de retraduction, afin d'étudier leurs inévitables différences internes, également dans un sens positif, à la lumière tant des nombreux facteurs qui les influencent que de l'herméneutique subjective de ceux qui les réalisent. La comparaison analytique menée entre la première et la deuxième traduction de L'Étranger (1942) et de La Peste (1947) d'Albert Camus permet ainsi de délimiter les profils de travail des quatre traducteurs en suivant deux lignes principales d'investigation : d'une part, elle vérifie les éventuelles divergences entre les déclarations paratextuelles respectives (trouvées dans les pré/postfaces, les notes de traduction, les essais, les entretiens, etc.) concernant la stratégie adoptée et les résultats du travail concret sur les textes ; d'autre part, elle examine l'inévitable manifestation en diachronie des normes de traduction opérant au moment de la traduction, mais à travers le filtre des voix individuelles qui se sont exprimées sous l'influence de différentes contraintes et à des moments distincts de la vie de ces textes, contribuant à leur longévité. Les résultats de l'analyse sont hétérogènes et non conformes à l'hypothèse de retraduction. La prédominance du littéralisme dans les premières traductions est difficilement conciliable avec l'effort d'acclimatation vers le lecteur cible que l'hypothèse attribuerait systématiquement aux premières traductions-introductions, bien que l'attitude assimilatrice se révèle dans le conformisme à certains impératifs culturels et éditoriaux de l'époque (italianisation onomastique ; tendance interponctive sous le signe de l'hypotaxe ; ennoblissement du lexique). En même temps, les deux retraductions, bien que dans un esprit très différent et bien qu'elles soient effectivement plus attentives aux particularités stylistiques de leurs proto-textes respectifs (comme le voudrait l'hypothèse), n'adoptent pas pour autant des procédés qui exhibent, sans motivation fondée, l'altérité du texte étranger, qu'elles tendent plutôt à naturaliser dans un sens phraséologique, sans pour autant le dénaturer. Si l'on peut parler d'amélioration en dehors de l'évolution des paramètres esthétiques entre les deux époques (fin des années 1940 et milieu des années 2010), il faut la reconnaître, le cas échéant, dans l'intégrité objectivement supérieure des retraductions en termes de complétude textuelle et de reproduction stylistique - étant donné que les premières ne manquent pas de transferts imprécis, incomplets ou incorrects dus à des calques structuraux ou lexicaux, des faux amis et des interprétations contraires au sens des énoncés. Par ailleurs, les améliorations sont sans doute à attribuer à la professionnalisation du métier et à la plus grande compétence des retraducteurs en tant que lecteurs modèles des textes abordés, qu'ils ont pu étudier grâce à une extraordinaire disponibilité d'outils critiques qui n'existaient pas à l'époque des premières traductions. Cela leur a permis de sonder les techniques narratives et les isotopies les plus significatives afin de les rendre dominantes dans leurs propres œuvres.