Parler de la mort en EMS et en EHPAD : vers une compréhension psychologique du rapport à la vie et à la mort des résident·e·s
Auteur / Autrice : | Aurélie Chopard-Dit-Jean |
Direction : | Magalie Bonnet, Dario Spini |
Type : | Thèse de doctorat |
Discipline(s) : | Psychologie |
Date : | Soutenance le 14/12/2022 |
Etablissement(s) : | Bourgogne Franche-Comté en cotutelle avec Université de Lausanne. Faculté des sciences sociales et politiques |
Ecole(s) doctorale(s) : | École doctorale Sociétés, Espaces, Pratiques, Temps (Dijon ; Besançon ; 2017-....) |
Partenaire(s) de recherche : | établissement de préparation : Université de Franche-Comté (1971-2024) |
Laboratoire : Laboratoire de Psychologie (Besançon) | |
Jury : | Président / Présidente : André Mariage |
Rapporteur / Rapporteuse : Carmen Lemelin, Stéfanie Monod-Zorzi |
Mots clés
Mots clés contrôlés
Résumé
INTRODUCTION : Basée sur une approche intégrative mobilisant des concepts en psychologie sociale (continuité et discontinuité de l’identité, identité sociale) et en psychologie clinique (élaboration psychique, fonction de contenance) et la théorie de l’attachement, cette thèse propose une compréhension psychologique du rapport à la vie et la mort des résidents d’établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) en France et d’établissements médico-sociaux (EMS) en Suisse. METHODOLOGIE : Deux études ont été menées conjointement. La première, « Attachement et rapport à la Vie et à la Mort au grand Âge lors de l’entrée en Établissement » (N=18), avait pour objectif d’évaluer les liens possibles entre liens d’attachement, entrée en établissement et la nature de la demande de mort. La seconde, « Attachement et Demande de mort au grand Âge » (N=18) visait le même objectif sans se focaliser uniquement sur le moment de l’entrée mais en réinscrivant l’individu âgé dans son parcours de vie. Lors d’entretiens, les résidents relataient leur histoire de vie, leur entrée dans l’établissement, parlaient de leur vécu actuel, du sens de leur vie et de leur avenir. Le Relation Scale Questionnaire (RSQ) évaluait l’attachement selon les modèles de soi et des autres et les dimensions « anxiété d’abandon » et « évitement de l’intimité ». RESULTATS : 1/ Nous proposons le modèle CIRA basé sur quatre concepts : Co-construire, Informer, Rassurer et Appliquer (CIRA) pour mener une recherche en partenariat avec les établissements d’hébergement. 2/ Lorsque les résidents parlent de leur demande de mort et de leur entrée en établissement, ils parlent surtout de leur expérience de la vieillesse, de la dépendance et de la mort et des enjeux physiques, spirituels, identitaires, sociaux et psychiques qu’elle suscite. Physiquement, il est difficile d’apprendre à vivre avec ses dépendances. Les enjeux spirituels désignent le sens de la vie au regard de la situation de dépendance et du lieu de vie. D’un point de vue identitaire, les résidents vivent une discontinuité de leur identité. Socialement, ils se considèrent parents jusqu’au bout de la vie et se sentent appartenir à leurs familles, mais peinent à s’identifier aux autres résidents de l’établissement. Enfin, la dualité entre pulsions de vie et pulsions de mort s’exprime jusqu’à à la fin de la vie (l’une dominant parfois sur l’autre), et l’irreprésentabilité de la mort crée des angoisses pouvant être soulagées en contrôlant ce qui peut l’être (comme préparer son testament, ses directives anticipées, les rituels du deuil). 3/ La demande de mort peut traduire une difficulté à vivre et élaborer psychiquement un ou plusieurs de ces enjeux. 4/ Les résultats montrent un important évitement d’intimité chez les résidents : ils vivent douloureusement la situation de dépendance à autrui et ne sollicitent pas d’aide pour verbaliser et prendre conscience de ce qui leur est difficile à vivre. Ce défaut d’élaboration peut conduire à une détresse psychique qui se traduit par une demande de mort. 5/ La recherche apporte cet espace de contenance manquant parfois aux résidents, à leurs proches mais aussi aux professionnels, pour élaborer et ainsi prendre conscience des enjeux liés à la vieillesse, la dépendance et la mort. CONCLUSION : La thèse interpelle les politiques du grand âge sur les dotations des établissements en moyens humains et financiers pour accompagner les résidents, leurs proches et les professionnels. Il s’agit de proposer, par l’intermédiaire des postes de psychologues (à créer en EMS et à développer en EHPAD), des « espaces de contenance » individuels et groupaux dans les institutions gériatriques. Ces espaces peuvent prendre la forme d’entretiens individuels, de groupes de parole ou à médiation pour les résidents et leurs proches, et de groupes d’analyse de la pratique pour les professionnels.