L’ornement sculpté « à l’antique » dans l’architecture religieuse française, 1500-1540
Auteur / Autrice : | Jean Beuvier |
Direction : | Marion Boudon-Machuel |
Type : | Thèse de doctorat |
Discipline(s) : | Histoire de l'Art |
Date : | Soutenance le 31/05/2022 |
Etablissement(s) : | Tours |
Ecole(s) doctorale(s) : | École doctorale Humanités et Langues (Centre-Val de Loire ; 2018-....) |
Partenaire(s) de recherche : | Laboratoire : Centre d'études supérieures de la Renaissance (Tours ; 1956-....) |
Jury : | Président / Présidente : Pascal Julien |
Examinateurs / Examinatrices : Flaminia Bardati, Thierry Crépin-Leblond, Javier Ibáñez Fernández, Irène Jourd'heuil | |
Rapporteur / Rapporteuse : Étienne Hamon |
Mots clés
Résumé
Animé par des tendances contrastées qui se mêlent ou se succèdent, le courant artistique des années 1500-1540 se caractérise en particulier par l'intensification des échanges avec la péninsule italienne, qui se sont d'abord exprimés par le biais de l'ornement antiquisant. Signe précurseur d'un engouement plus large pour la culture de l'Antiquité gréco-romaine rétablie par l'Italie moderne, la réception de celui-ci dans le royaume de France relève d'une dynamique d'appropriation parallèle à l'avènement d'une nouvelle modernité. En architecture, un nouveau répertoire délicat d'oves et dards, de candélabres, de putti, de têtes en médaillon et de créatures en métamorphoses peuplant des rinceaux aux variations infinies se juxtaposa au flamboiement ornemental du gothique tardif dès l'extrême fin du XV siècle, avant de s'y substituer progressivement. À la croisée de spécialités et de traditions pensées en termes de complémentarité, l'ornement sculpté à l'antique devint dans l'architecture royale l'image de la restauration des arts souhaitée par le souverain. Adopté par la Cour dans ses résidences du Val de Loire, le nouveau style se diffusa rapidement dans toutes les provinces où il pare de nombreux monuments. Toutefois, la question n'a été abordée que ponctuellement, et dans le domaine civil uniquement. Cette thèse porte sur le décor sculpté à l'antique dans l'architecture religieuse de la première Renaissance, qui sert de cadre à l'invention d'un ornement spécifique entre la fin du gothique et l'invention d'un ornement maniériste sur le chantier de la galerie François Ier du château de Fontainebleau. L'analyse d'un vaste corpus composé d'ornements en pierre de l'église (portails) et du mobilier liturgique (clôtures de chœur et de chapelle, jubés) ou funéraire (tombeaux et chapelles funéraires) permet d'appréhender la complexité de ce type de décor afin de comprendre sa conception (statut des commanditaires et des artistes, programme iconographique), sa fonction (de l'enrichissement esthétique soulignant la sacralité du lieu au support de méditation ou de commémoration) ainsi que les liens qu'il entretient avec son environnement au sens large (réactualisation des mythes de fondation, refonte de la liturgie et encouragement des pratiques dévotionnelles comme le culte des reliques), et conduit à s'interroger sur des questions de typologie, d'iconographie et de significations. Au cours de la première moitié du règne de François Ier, l'ornement sculpté à l'antique dans la sphère ecclésiastique est le lieu d'un dialogue avec l'art italien tout en se distinguant comme invention original. Il est le cadre d'un foisonnement d'expériences particulièrement fécond. Loin de s'effacer derrière les ordres d'architecture, introduits par les traités d'architecture à partir de la décennie 1530 et appelés à une longue postérité cette gracieuse sculpture décorative entre gothique et antique se renouvelle, enrichit son répertoire au contact de nouvelles sources, affirme son statut d'art de l'image en intégrant des éléments iconographiques et se distingue comme art du relief en instaurant un nouveau rapport avec son cadre architecturé. Exceptionnelle par son originalité, sa variété et sa qualité, elle est d'autant plus admirable qu'elle s'est épanouie au temps de la réformation, et qu'elle s'applique à une série de structures destinées à réaffirmer, très tôt dans le siècle, le caractère essentiel de la liturgie catholique face aux attaques protestantes. Ces phénomènes, qui révèlent un aspect inédit du décor architectural de la première Renaissance française, se sont manifestés aux confins du Val-de-Loire et de l'Ile-de-France, entre Chartres (clôture de chœur de la cathédrale Notre-Dame, 1514-1535) et Solesmes (Belle Chapelle de l'église Saint-Pierre, 1530-1553), dans le cadre de chantiers religieux dont la recrudescence au début du XVIe siècle est un corollaire du renouvellement des commanditaires et de la vie spirituelle durant cette période.