Thèse soutenue

Variabilité de la niche écologique chez des poissons prédateurs lacustres

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Auteur / Autrice : Samuel Westrelin
Direction : Frédéric SantoulMartin Daufresne
Type : Thèse de doctorat
Discipline(s) : Ecologie, biodiversité et évolution
Date : Soutenance le 06/12/2022
Etablissement(s) : Toulouse 3
Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale Sciences écologiques, vétérinaires, agronomiques et bioingénieries (Toulouse)
Partenaire(s) de recherche : Laboratoire : Evolution et Diversité Biologique (Toulouse ; 2003-2023)
Jury : Président / Présidente : Hervé Capra
Examinateurs / Examinatrices : Géraldine Loot
Rapporteurs / Rapporteuses : Christian Desvilettes, Bernardo R. Quintella

Mots clés

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Résumé

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Les écosystèmes d'eau douce et les lacs en particulier contribuent de façon importante à la biodiversité. Au sommet des réseaux trophiques, les prédateurs favorisent cette biodiversité et ont un rôle stabilisateur. Ils impactent directement et indirectement de nombreuses fonctions des écosystèmes et, par là même, de nombreux services écosystémiques. Maintenir la diversité des prédateurs est donc capital, et comprendre les mécanismes de leur coexistence une question clé en écologie. La théorie des niches a identifié plusieurs mécanismes de coexistence. La niche est définie comme l'ensemble des conditions biotiques et abiotiques qui permettent l'existence d'une espèce. En ciblant la niche d'habitat et la niche trophique, deux composantes majeures de la niche écologique, nous avons cherché à montrer comment, dans la nature, les communautés de prédateurs se maintiennent en lacs. Les ectothermes étant particulièrement sensibles aux conditions abiotiques, nous visions également à évaluer comment les conditions environnementales affectent leur niche d'habitat. Des individus de brochet Esox lucius L., perche européenne Perca fluviatilis L., sandre Sander lucioperca (L.) et silure Silurus glanis L. ont été suivis et/ou échantillonnés dans un réservoir stratifié et un lac naturel peu profond. Nous avons estimé leur niche d'habitat en couplant leur positionnement par télémétrie acoustique à une cartographie de l'habitat. Leur niche trophique a été estimée par l'analyse des isotopes stables du carbone et de l'azote de tissus de nageoires. Nos résultats mettent en évidence un partitionnement de l'habitat et de la niche trophique entre ces espèces, probablement comme moyen de limiter la compétition interspécifique, en accord avec la théorie. Cependant, les variations entre individus d'une même espèce sont souvent très importantes. Concernant la niche trophique, une plus forte abondance d'une espèce est en général corrélée à une plus forte variation intraspécifique, ce qui constituerait un autre mécanisme stabilisateur limitant la compétition intraspécifique. Le silure, quant à lui, ne semble pas élargir sa niche trophique lorsqu'il est plus abondant ; cela illustre son caractère généraliste au niveau individuel et pourrait en partie expliquer le succès de sa colonisation de nombreux écosystèmes. Les fluctuations environnementales témoignent d'un rôle moteur sur la niche de ces ectothermes, avec des impacts différents selon leur échelle temporelle et leur amplitude. Les changements saisonniers mettent en jeu un nombre limité de niches temporelles (saison froide/chaude) et modulent graduellement la niche d'habitat des espèces ; ils aboutissent à un moindre degré de partitionnement en saison de plus faible activité (automne, hiver). Dans certaines conditions, les changements de niche d'habitat peuvent être extrêmes comme les agrégations hivernales de silures. Une sévère hypoxie de relativement courte durée a déclenché le regroupement de silures dans une zone refuge, probablement sans autre impact significatif sur l'espèce. Par contre, cet évènement a probablement contribué à l'effondrement du stock de sandres juvéniles et, ainsi, considérablement modifié les interactions intra- et interspécifiques du guilde piscivore, comme montré sur la niche trophique. Ces recherches donnent des clés aux gestionnaires de plans d'eau pour identifier les habitats ou ressources critiques à préserver, typiquement dans le cadre de la conservation d'espèces. Elles renseignent également sur l'intensité de la compétition interspécifique et peuvent éclairer sur le besoin ou non de réguler une espèce, ce qui peut être particulièrement utile lorsqu'une espèce exotique invasive pose question. Ainsi, ce type de recherche peut éclairer les plans de gestion à mettre en œuvre dans le contexte du changement climatique.