Évaluation du rôle des métabolites dans l'écologie des sphaignes dans un contexte de changements climatiques : de l'espace des traits fonctionnels des sphaignes à la dynamique du carbone
Auteur / Autrice : | Anna Sytiuk |
Direction : | Régis Céréghino, Vincent Jassey |
Type : | Thèse de doctorat |
Discipline(s) : | Ecologie fonctionnelle |
Date : | Soutenance le 17/06/2022 |
Etablissement(s) : | Toulouse 3 |
Ecole(s) doctorale(s) : | École doctorale Sciences de l’univers, de l’environnement et de l’espace (Toulouse) |
Partenaire(s) de recherche : | Laboratoire : Laboratoire Écologie fonctionnelle et environnement (Toulouse ; 2007-2023) |
Jury : | Examinateurs / Examinatrices : Virginie Baldy, Bjorn Robroek |
Rapporteur / Rapporteuse : Elena Kazakou, Geneviève Chiapusio |
Mots clés
Résumé
Les effets du changement climatique sont plus prononcés aux hautes latitudes, ce qui impacte fortement la dynamique du carbone mondiale. En effet, les écosystèmes nordiques comme les tourbières ont un rôle clé dans cette dynamique en tant que puits de carbone, puisqu'un tiers du carbone organique du sol y est stocké. Les mousses et les sphaignes contribuent de manière significative au piégeage du carbone. Leurs caractéristiques morphologiques et biochimiques (métabolites) uniques font qu'elles façonnent activement leur habitat en produisant une litière récalcitrante à la décomposition. De fait, elles influencent la structure et l'activité microbienne et contrôlent ainsi les cycles du carbone et des nutriments. Malgré ces connaissances, le rôle des métabolites de la sphaigne en tant que traits fonctionnels importants pour l'écologie des tourbières reste peu étudié et, ainsi que leur réponse aux changements climatiques. Le but de ce travail de thèse était d'explorer le potentiel des métabolites de la sphaigne pour améliorer la compréhension mécanistique de leur rôle fonctionnel, et de prédire la composition des communautés microbiennes et leur espace fonctionnel le long d'un gradient environnemental. J'ai aussi étudié comment les patrons saisonniers des métabolites répondent aux changements climatiques et les conséquences que cela induit sur l'absorption du carbone par les tourbières. Pour cela, j'ai réalisé des observations et des expériences sur le terrain le long d'un gradient latitudinal. Des informations sur les traits anatomiques et morphologiques et sur les métabolites de la sphaigne ont été recueillies. Les flux de CO2 des tourbières et la structure et l'activité des communautés microbiennes ont été mesurés. L'expérience de transplantation réciproque le long du gradient couvrant cinq pays a permis de mimer les changements des conditions climatiques et d'évaluer la plasticité des métabolites. Mes résultats montrent que les espèces de sphaigne qui poussent dans des conditions environnementales locales (composition de la végétation, teneur en nutriments) et régionales (température, précipitations) différentes possèdent des traits biochimiques divers définissant leur forme, leurs fonctions et leur résistance aux changements environnementaux. De plus, j'ai constaté que le volume de l'espace des traits de la sphaigne était quatre fois plus grand quand des traits biochimiques étaient ajoutés à l'ensemble habituel de traits morphologiques et anatomiques, que lorsqu'ils étaient exclus. L'ajout de traits fonctionnels de la sphaigne aux variables environnementales locales et régionales dans un modèle d'équation structurelle (SEM) a permis d'augmenter notre capacité à prédire les variations taxonomiques et fonctionnelles des microorganismes dans les tourbières. De plus, les métabolites se sont avérés être de meilleurs prédicteurs de la structure des communautés microbiennes, comparé aux caractéristiques anatomiques et morphologiques. Enfin, avec l'expérience de transplantation réciproque j'ai montré que les sphaignes transplantées sur de nouveaux sites avaient des réponses similaires aux changements climatique en termes de concentrations en métabolites et de productivité primaire brute au cours de chaque saison, avec des valeurs maximales dans les sites les plus chauds. J'ai aussi mis en évidence la forte plasticité des métabolites face aux variations de températures et de précipitations. Plus intéressant encore, mes données ont montré des liens importants entre les métabolites des sphaignes et les processus liés au carbone, qui étaient plus importants au printemps et en automne. En résumé, l'approche basée sur les traits biochimiques utilisée dans cette thèse a montré un fort potentiel pour mieux comprendre et prédire l'espace fonctionnel de la sphaigne, la structure et les traits des communautés microbiennes associées, les processus écosystémiques liés au carbone ainsi que les réponses au changement climatique.