L’initiative de nouvelle économie sociale d’Enercoop dans le secteur électrique : utopies et réalités de coopératives militantes pour les énergies renouvelables
Auteur / Autrice : | Rémi Maître |
Direction : | Marie-Christine Zélem, Jacques Prades |
Type : | Thèse de doctorat |
Discipline(s) : | Sociologie |
Date : | Soutenance le 18/11/2022 |
Etablissement(s) : | Toulouse 2 |
Ecole(s) doctorale(s) : | École doctorale Temps, Espaces, Sociétés, Cultures (Toulouse) |
Partenaire(s) de recherche : | Laboratoire : Centre d'étude et de recherche Travail, organisation, pouvoir (Toulouse ; 1994-....) |
Jury : | Président / Présidente : Anne-Catherine Wagner |
Examinateurs / Examinatrices : Laurence Raineau | |
Rapporteur / Rapporteuse : Isabelle Guérin, Gilles Debizet |
Mots clés
Mots clés contrôlés
Résumé
Le constat répété de crises écologique et climatique se heurte à la quasi-inertie des États et des opérateurs à visée lucrative qui empêchent de sortir des énergies non-renouvelables (fossiles et fissiles). Face à ce verrouillage, des collectifs issus des sociétés civiles promeuvent des pratiques économiques visant la sortie des énergies non renouvelables. C’est l’étude d’un de ces collectifs que réalise cette thèse. Elle se consacre au fournisseur coopératif d’électricité renouvelable Enercoop, un réseau hexagonal de Sociétés coopératives d’intérêt collectif (SCIC) né en 2004 suite à la libéralisation du secteur électrique français. Ce réseau de SCIC ambitionne de fournir de l’électricité renouvelable en circuit court et d’inciter à Maîtriser la Demande d’Energie (MDE).Dans une double approche sociologique et économique, la thèse vise à comprendre pourquoi cette initiative a vu le jour et comment elle se développe. Elle étudie la façon dont Enercoop répond à son double objectif a priori contradictoire de vendre de l’électricité et de baisser la consommation. D’un côté, l’analyse industrielle propose un état des lieux du contexte énergétique international et français, et se concentre sur les caractéristiques du secteur électrique. Elle décrit le modèle Enercoop et rappelle les évolutions institutionnelles (libéralisation) qui ont permis sa naissance. De l’autre, l’approche sociologique repose sur soixante entretiens semi-directifs, quarante sessions d’observation participante en Midi-Pyrénées et à Paris et deux enquêtes par questionnaire. L’analyse sociologique retrace l’émergence de l’initiative, caractérise l’affect d’écologie coopératif des membres d’Enercoop, identifie leurs profils et analyse, dans une approche de trajectoire biographique, la montée en puissance de la conscience écologique, via l’identification de deux types de trajectoires (linéaire, conversion à deux variantes, l’une « douce » et l’autre « secouée »). Elle explore également les pratiques socioénergétiques des membres orientées vers la sobriété (raisonnement par bilan-carbone, prosommateur, aconsommation, etc.), et propose de conceptualiser le savoir d’achat, un raisonnement basé sur une analyse multicritère qui oriente les pratiques de consommation des membres. Enfin, d’un point de vue organisationnel, l’enquête étudie les systèmes délibératifs (holacratie) mobilisés par certains collectifs d’Enercoop. Ces systèmes impliquent des prises de décision expérimentales propices à l’intelligence collective, contrebalancées par des logiques de contrôle entre pairs.D’une façon transversale, le réseau de coopératives Enercoop est conçu tout au long de ce travail comme une initiative de Nouvelle Économie Sociale (NES). Ce cadre analytique, structuré par la tension active entre projet politique (instituant) et logique économique (institué) permet d’identifier les forces de rappel (affect d’écologie coopératif, polarisation nationale/locale, systèmes délibératifs) qu’Enercoop déploie pour maintenir son projet de démocratie énergétique (instituant), tout en gardant une gestion économique stable (institué). À partir des investigations réalisées entre 2015 et 2020, la thèse constate que les forces de rappel à l’oeuvre dans l’initiative réduisent alors le risque d’isomorphisme face à l’État ou aux opérateurs à visée lucrative et permettent à Enercoop de maintenir son objectif de transformation sociale. Ce travail met en relief le combat politique permanent d’une structure engagée sur le terrain économique, fut-elle le plus grand réseau français de SCIC. De ce point de vue, il s’agit bien d’une « utopie réaliste ». « Réaliste » car elle se bat ici et maintenant avec des valeurs qui ne sont pas dominantes. « Utopique » parce que sa victoire nécessiterait probablement une autre économie, voire une autre société qui signifierait également le dépérissement d’Enercoop.