Thèse soutenue

Identité et existence : l’ontologie de l’essence d’Avicenne

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Auteur / Autrice : Miriam Rogasch
Direction : Jean-Baptiste Brenet
Type : Thèse de doctorat
Discipline(s) : Philosophie
Date : Soutenance le 14/12/2022
Etablissement(s) : Paris 1
Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale Philosophie (Paris ; 1998-....)
Partenaire(s) de recherche : Equipe de recherche : Laboratoire Sciences philosophie histoire (Paris ; 2009-....)
Jury : Examinateurs / Examinatrices : Jean-Baptiste Brenet, Cristina Cerami, Amos Bertolacci, Marwan Rashed, Olga Lucia Lizzini

Résumé

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Cette thèse porte sur l’ontologie de l’essence d’Avicenne. Nous soutenons que l’innovation majeure qui la caractérise, et qui spécifie plus généralement le système métaphysique avicennien, à savoir la distinction entre essence et existence, n’a de sens qu’à partir du problème de l’identité de l’essence tel qu’Avicenne le redéfinit dans le cadre de son ontologie de l’essence. Ainsi, la distinction majeure introduite par Avicenne entre essence et existence répond à un problème bien particulier : il s’agit de concevoir l’identité de l’essence dans l’altérité. Etant donné que l’essence n’existe dans les individus in re qu’en se multipliant et en se liant avec autre chose pour constituer tel individu, elle ‘devient autre’. Or pour qu’elle demeure néanmoins le même constituant de et dans tous ces existants, il faut réussir à conserver l’identité de l’essence indépendamment de ses manifestations dans l’existence. La distinction entre essence et existence, en séparant et en isolant l’identité de l’essence, offre une solution à cette difficulté. La possibilité même de concevoir cette distinction dépend cependant encore d’autre chose, d’autant plus que la distinction à elle seule ne suffit pas à établir de manière cohérente l’identité de l’essence : pour concevoir l’essence comme à la fois autre que l’existence et identique avec elle-même, c’est le concept de maʿnā (contenu notionnel) qui est crucial. Puisqu’il introduit la possibilité d’un double point de vue sur chaque existant, le maʿnā est l’outil conceptuel majeur permettant de penser l’essence comme une entité qui est à la fois autre que l’existence et parfaitement accessible d’un point de vue scientifique. Le réalisme épistémique avicennien autant que la tendance formelle de son ontologie reposent ainsi sur le concept de maʿnā. D’un point de vue méthodologique, notre analyse s’appuie sur les trois éléments suivants : premièrement, elle inscrit la position d’Avicenne dans le cadre de la réception de l’ontologie de l’essence d’Aristote, faisant ainsi apparaître le contexte de problématisation au sein duquel Avicenne déploie la distinction entre essence et existence. Vient, dans un deuxième temps, une lecture détaillée du chapitre V.1 de la Métaphysique du Šifā’ qui permet de montrer le recours systématique à la compréhension de l’essence comme autre que l’existence afin de concevoir une ontologie cohérente face à des difficultés ‘classiques’ auxquelles toute position d’inspiration aristotélicienne est confrontée – notamment la priorité de l’essence, le rapport entre unité et multiplicité de l’essence, et son immanence. Enfin, en interrogeant le rôle du maʿnā et de la šay’ pour l’ontologie de l’essence avicennienne, nous insistons sur l’importance de ces concepts en vue de la possibilité même de concevoir la distinction entre essence et existence. Au-delà des problèmes philosophiques qui motivent la distinction entre essence et existence, son apparition s’avère être conditionnée par la disponibilité même de ces concepts.