Thèse soutenue

La réduction et la chute des voyelles gallo-romanes : fonctionnements synchroniques et diachroniques des chartes mérovingiennes : 7e-8e s.
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Auteur / Autrice : Fabian Zuk
Direction : Michela RussoChristian Rudolf Raschle
Type : Thèse de doctorat
Discipline(s) : Linguistique : linguistique générale, langues slaves, langues romanes, didactique des langues
Date : Soutenance le 18/11/2022
Etablissement(s) : Lyon 3 en cotutelle avec Université de Montréal
Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale Lettres, langues, linguistique, arts (Lyon)
Partenaire(s) de recherche : Laboratoire : Centre d'études linguistiques - Corpus, Discours et Sociétés (Lyon ; 2013-....)
Jury : Président / Présidente : João Veloso
Examinateurs / Examinatrices : João Veloso, Michael L. Weiss, Maria Celeste Matias Rodrigues, Joaquim Brandao de Carvalho, Gabriele Giannini, Adèle Jatteau
Rapporteurs / Rapporteuses : Michael L. Weiss, Maria Celeste Matias Rodrigues

Résumé

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Des études récentes ont démontré que le latin écrit de l'époque mérovingienne était lu et parlé de manière à être compris par la population analphabète. Parmi les médiévistes, il est désormais admis que les documents des VIIe et VIIIe siècles en Gaule reflètent un registre formel de la langue parlée. Ceci est particulièrement conséquent pour l'étude de l'apocope et de la syncope des voyelles par lesquelles la plupart des voyelles non accentuées du latin classique ont disparu de l’ancien français, soit décrites comme une perte directe de la voyelle (V → ∅), soit avec une réduction préalable en cheva (V → ə → ∅). Malgré ce changement de paradigme et l'introspection renouvelée des linguistes historiques, le latin mérovingien est toujours omis de la plupart des grammaires qui décrivent l'évolution du système vocalique latin vers celui de l'ancien français. Cette thèse vise donc à fournir combler cette lacune avec des preuves philologiques. Elle fournit aussi des éléments théoriques nécessaires pour émanciper la phonologie diachronique de la longue ombre de la tradition acquise de manière dogmatique, émancipation possible grâce en grande partie à l'amélioration des éditions, à l'accès aux manuscrits numérisés et aux grands progrès dans notre compréhension de la faculté du langage humain, inaccessibles aux fondateurs de notre discipline. Pour aborder ces questions, nous avons sélectionné un corpus de 48 chartes originales conservées principalement à Saint Denis au nord de Paris et datées du VIIe au début du VIIIe siècle. Adoptant une approche philologique positiviste des données, nous décrivons d'abord la distribution des voyelles selon une méthode simple d'analyse statistique du type et de la fréquence de variation des voyelles dans les lexèmes récurrents selon les syllabes accentuées et non accentuées ainsi que selon la position (initiale, finale, interne, etc.) dans le mot. Les données mérovingiennes ont ensuite été analysées dans le cadre de la phonologie latérale du CV strict et dans le cadre de la phonologie des éléments, démontrant entre autres que la réduction des voyelles était une partie active de la phonologie synchronique. Nous concluons que la perte de voyelles en gallo-roman a d'abord suivi un chemin de réduction de voyelles neutralisant le contraste. Ce fait a ensuite alimenté la perte totale de voyelles dans une direction topologiquement régulière de changement de son, similaire à ce qui peut être observé en portugais moderne et qui est lexicalisé dans le franoprovençal moderne. De manière significative, et à l'encontre de tous les comptes rendus précédents sur la perte diachronique des voyelles en protofrançais, nous soutenons qu'il n'y a aucune preuve en faveur d'une réduction au cheva au septième ou huitième siècle. Au contraire, nous trouvons un contraste à trois voies entre une voyelle antérieure, une voyelle postérieure et une voyelle centrale, même dans les syllabes non syncopées les plus réduites. Nos conclusions ont des conséquences importantes pour l'histoire interne et externe de la langue française. D'une part, tant que les voyelles finales—souvent marques casuelles—étaient distinguées, la langue gallo-romane, malgré toutes ses idiosyncrasies et innovations, est restée un membre actif du diasystème roman commun ; elle a également conservé une relation généralement transparente avec le code écrit. D'autre part, le gallo-roman, comme les autres langues romanes régionales, est simplement resté une variété rustique d'une seule langue latine, la « transition » du latin à l'ancien français se produisant à l'époque post-mérovingienne. Le latin mérovingien se présente comme la clef, la charnière linguistique nécessaire à la compréhension de cette transition.