Voyageurs et savants russes en Egypte au XIXe siècle : Un aspect du développement de l'égyptologie en Russie (1801-1917)
Auteur / Autrice : | Anastasia Aksenova |
Direction : | Laure Pantalacci, Rodolphe Baudin |
Type : | Thèse de doctorat |
Discipline(s) : | Histoire |
Date : | Soutenance le 03/12/2022 |
Etablissement(s) : | Lyon 2 |
Ecole(s) doctorale(s) : | École doctorale Sciences sociales (Lyon ; 2007-....) |
Partenaire(s) de recherche : | Equipe de recherche : Histoire et Sources des Mondes Antiques (Lyon ; 2003-....) |
Jury : | Président / Présidente : Marie-Pierre Rey |
Examinateurs / Examinatrices : Lilian Postel, Elena Linkova, Philippe Mainterot | |
Rapporteurs / Rapporteuses : Marie-Pierre Rey, Christine Peltre |
Mots clés
Résumé
Aujourd’hui encore, les travaux des orientalistes russes restent relativement méconnus de la science mondiale. Pourtant, des collections égyptiennes de valeur se formèrent dans les territoires de l’ex-Empire russe, tandis qu’un certain nombre de monographies y furent publiées dans le domaine de l’égyptologie depuis la fin du 19e siècle. La thèse se propose d’apporter un regard historiographique sur l’évolution de l’égyptologie russe au 19ᵉ siècle, s’appuyant sur les récits des voyageurs russes en Égypte (1801-1917) comme sources primaires pour retracer les étapes précoces de l’intérêt de la société russe envers l’Égypte, ainsi que leur impact sur le développement de l’égyptomanie d’abord, puis de la science égyptologique en Russie.Le Proche-Orient existait déjà dans la conscience collective des peuples russes avant le début du 19e siècle, à travers des sources telles que les chroniques byzantines, la Bible ou les pèlerinages en Terre sainte. Cependant l’image de l’Égypte présentait alors un caractère relativement fantastique et peu documenté quant aux traditions et à la vie sociale des peuples locaux. La signature en 1774 du traité de paix Kütchük-Kaynardja entre la Russie et l’Empire ottoman, rouvrit les portes de l’Orient aux voyageurs russes, marquant le commencement d’une nouvelle ère d’exploration.Les voyageurs russes eurent ainsi l’occasion de faire connaissance avec l’histoire, l’héritage, la mentalité et la culture de l’Égypte. Ils fixèrent et diffusèrent cette expérience sociale par l’intermédiaire des récits de voyages, offrant un riche matériel pour analyser l’évolution de la perception de l’Orient en Russie. Si les récits permettent de reconstruire l’image de la société égyptienne, ils offrent par ailleurs un regard sur la société russe de l’époque, à travers l’observation des objectifs et du positionnement moral des voyageurs. En particulier, la question d’Orient, figurant à l'ordre du jour de la politique étrangère du début du 19e siècle au début du 20e siècle, eut une influence notable sur la création de l’image de l’Égypte en Russie. La dichotomie « Est-Ouest » était alors définitivement formée dans la conscience européenne. S’appuyant sur la théorie de l’Orientalisme développée par E. Said, la thèse questionne dès lors son application au contexte russe et le positionnement des voyageurs russes face à la notion d’altérité. Ainsi, la reconstruction de l’image de l’Égypte, les premières collections et publications, formèrent le terreau de l’intérêt de la société russe envers l’héritage culturel égyptien. Il se manifesta dans le phénomène de l’égyptomanie, visible dans l’architecture de l’époque d’Alexandre Ier, les décorations intérieures ou la peinture. En outre, les voyageurs ramenèrent les premiers objets égyptiens en Russie, constituant des collections privées, puis universitaires et étatiques. Cette dynamique favorisa la formation des activités égyptologiques en Russie dont les débuts sont étroitement liés au nom de Vladimir Golenichtchev, ses premières fouilles en Égypte, ses publications, ainsi que sa collection significative de 6000 objets égyptiens. Puis vint l’établissement des liens scientifiques entre les chercheurs russes et européens, en particulier avec la France dans la première moitié du 19e siècle, et avec l’Allemagne au début du 20e siècle. Enfin, le développement universitaire de la discipline, porté notamment par Boris Turaev qui organisa des stages et des formations à l’étranger pour ses étudiants. Malheureusement, le développement alors actif de l’égyptologie russe fut dramatiquement entravé par les évènements de 1917, suivi d’une longue période de stagnation. La connaissance du patrimoine égyptologique russe présente aujourd’hui un réel intérêt et une perspective à souligner pour la science européenne.