Thèse soutenue

Autour de la table : construire la commensalité familiale : Une approche ethnographique des conditions, formes et effets des repas de famille quotidiens à Lyon et à Adélaïde

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Auteur / Autrice : Fairley Le Moal
Direction : Isabelle MallonJohn Coveney
Type : Thèse de doctorat
Discipline(s) : Socio-anthropologie
Date : Soutenance le 17/10/2022
Etablissement(s) : Lyon 2 en cotutelle avec Flinders university of South Australia
Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale Histoire, géographie, aménagement, urbanisme, archéologie, sciences politiques, sociologie, anthropologie (Lyon)
Partenaire(s) de recherche : Laboratoire : Centre Max Weber (Lyon ; Saint-Étienne ; 2011-....)
Jury : Président / Présidente : François de Singly
Examinateurs / Examinatrices : Marjorie L DeVault, Carol Ann Hartwick Pflaum, Maxime Michaud
Rapporteurs / Rapporteuses : Håkan Jonsson, Séverine Gojard

Résumé

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Les repas de famille sont promus par les autorités de santé publique, des médias et des organismes privée (en France et dans de nombreux pays anglo-saxons comme en Australie) pour des supposés bénéfices sociaux, en matière de santé et de bien-être. Néanmoins, les connaissances sur les différentes dimensions de le commensalité familiale quotidienne sont limitées. La plupart des recherches sont basées sur des entretiens et principalement sur la voix des mères. Dans certaines études, les pratiques familiales françaises sont comparées à celles des cultures anglo-saxonnes, mais il s'agit principalement de foyers d'Amérique du Nord. Cette thèse est basée sur une ethnographie en personne avec 10 familles à Lyon (France) et sur une ethnographie digitale avec 4 familles à Adélaïde (Australie). Les foyers étaient pour la issus de classes moyennes (avec quelques familles de classe supérieure) et avaient de un à cinq enfants âgés de quatre à 12 ans. Les résultats proviennent de l'observation de 42 repas, dont 33 en personne. Des entretiens semi-directifs ont également été menés avec les pères et mères et avec la plupart des enfants.Les repas de famille observés se déroulent selon diverses normes de santé, liées à la satisfaction de la satiété et au contrôle du rythme alimentaire. Les parents s'efforcent de socialiser les enfants au partage d'une alimentation saine et variée de manière synchronisée. L'équation sanitaire de la commensalité dépend de l'âge des enfants, de leurs besoins et de leurs capacités alimentaires, et varie en fonction des appréhensions socialement différenciées du goût des enfants.Ces préoccupations de santé s'étendent aux conversations qui ont lieu et qui tournent autour de diverses normes familiales. Les parents tentent de faire parler les enfants de leurs activités de la journée afin de s'assurer que leur mode de vie hors de la maison est suffisamment sain (en lien avec l’alimentation mais aussi concernant le bien-être des enfants, leur développement éducatif et leur vie sociale). Ils essaient de créer une conscience collective de la famille en se remémorant les activités passées et en partageant leurs expériences individuelles, ainsi qu'en parlant des projets familiaux futurs (Berger et Kellner 1964). Comme dans le cas de la socialisation alimentaire, les enfants font preuve de résistance en s'engageant dans des conversations selon leurs propres conditions et temporalité, refusant parfois même de participer (Goffman 1981). Les repas examinés dans cette étude tendent à reproduire les relations hiérarchiques conjugales et générationnelles. Le déroulement des conversations renforce les pères en tant que dépositaires de l'autorité parentale et les mères en tant que gardiennes des relations égalitaires et de la cohésion familiale (Singly 1996).La convivialité est apparue comme un autre impératif de la commensalité. Celle-ci résulte d’un « travail émotionnel » important produit par les parents et les enfants et basé sur de multiples « règles de sentiments » (Hochschild 1983) Alors que la plupart des pères occupent un rôle central en faisant de l'humour, les mères sont principalement chargées de réparer l'atmosphère émotionnelle. Mais la performance de la convivialité, observée à Lyon et à Adélaïde, se produit parfois au détriment d'autres dimensions commensales centrales, notamment la socialisation alimentaire des enfants à une alimentation saine. Les résultats nous obligent à repenser la recherche sur la commensalité et l'importance accordée aux informations recueillies par des méthodes déclaratives plutôt que par l'observation. Les recherches futures devraient également prendre en compte des foyers issus de classes populaires et développer une perspective de comparaison culturelle plus approfondie.