Thèse soutenue

Femmes, pratiques associatives et action sociale en Seine-Inférieure à l'épreuve de la Grande Guerre

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Auteur / Autrice : Claire Saunier-Le Foll
Direction : Manuela Martini
Type : Thèse de doctorat
Discipline(s) : Histoire
Date : Soutenance le 25/11/2022
Etablissement(s) : Lyon 2
Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale Sciences sociales (Lyon)
Partenaire(s) de recherche : Laboratoire : Laboratoire de recherche historique Rhône-Alpes (Lyon ; 2003-....)
Jury : Président / Présidente : Nicolas Beaupré
Examinateurs / Examinatrices : Christophe Capuano, Magali Della Sudda
Rapporteurs / Rapporteuses : Carole Christen, Marie-Emmanuelle Chessel

Résumé

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Ce travail tire son origine du constat établi par de nombreuses monographies : au tournant du XXe siècle, l’affiliation féminine aux structures associatives est majeure, particulièrement au moment de l’investissement citoyen dans la question renouvelée de l’assistance, de celle du Ralliement des catholiques à la République puis de la Séparation des Églises et de l’État. L’objectif était donc, sur un territoire géographique limité– la Seine-Inférieure, territoire aux multiples facettes démographiques, économiques et culturelles et proche de Paris –, d’en décrire les groupes dans leur construction historique et d’en observer le devenir à travers l’événement majeur que constitue la Grande Guerre. L’élaboration et la constitution d’une base de données de près de 3000 affiliées réalisant environ 4000 affiliations a servi de fondement à la reconstitution de ce vivier et de ses itinéraires individuels et collectifs entre 1890 et 1923.L’étude a permis d’une part d’établir qu’à l’échelle du département, les dernières années du XIXe siècle sont celles de l’essor des structures féminines. Laïcisées, sorties de l’ombre des pratiques antérieures, elles accèdent à davantage d’autonomie par le biais de l’autorisation, et ce avant même la mise en place de la loi de juillet 1901. Elles s’emparent alors de la plupart des champs du social et inventent des formes associatives nouvelles qui génèrent une action de masse. C’est ce vivier qui répond aux sollicitations des associations féministes nationales ou bien à celles des ligues catholiques naissantes dans les premières années du XXe siècle. Le rôle de « fief » que constitue la Seine-Inférieure pour les grandes leaders que sont Lucie Félix-Faure, Julie Siegfried ou encore Cécile Brunschvicg lui accorde une place de choix au sein des mouvements nationaux.L’exploitation de la base de données révèle d’autre part la transformation profonde des structures, qui quittent le mode du comité genré hommes/femmes pour développer des associations mixtes ou au contraire exclusivement féminines. Elle met au jour les contours de la pluri-affiliation, phénomène avant tout urbain. Cette pluri-affiliation induit des carrières longues, marquées par une fréquente identité des postes à responsabilité d’une association à l’autre, ce qui révèle l’acquisition de compétences effectives et permet aux associations de se rendre des services mutuels par le transfert ou par le partage de personnel. S’établissent donc au sein des villes des réseaux féminins qui héritent des logiques politiques locales et dont les profils, à Rouen et au Havre, diffèrent. Peu apparents lors des manifestations que sont les congrès par exemple, ces réseaux locaux expliquent la circulation des idées épaulée par une presse de mouvement naissante mais largement diffusée, première mémoire des carrières féminines.La mobilisation féminine lors de la Grande Guerre, dans un département qui est à la fois la base arrière des armées anglaise puis américaine et le siège d’un gouvernement belge en exil rejoint par de très nombreux réfugiés, est l’héritière de ces années fondatrices. Précoces (elles dupliquent les associations d’avant-guerre en associations-miroirs qui prennent en charge les victimes civiles ou militaires du conflit) et formatrices (elles encadrent un personnel néophyte nombreux), les œuvres féminines sont efficaces, accomplissant l’essentiel de l’aide aux prisonniers de guerre. Cependant, si les groupes féministes rouennais résistent aux tensions entre pacifistes et partisanes du soutien actif à l’Union sacrée, le réseau féministe havrais ne survit pas à l’alliance renouvelée par le conflit entre les élites protestante et catholique.Au total, ce travail invite à reconsidérer le jeu des groupes de province dans l’élaboration des mouvements nationaux, qui fait bien de l’action sociale féminine une pratique politique à part entière.