La lecture sur le bout des doigts : ce que disent les mouvements digitaux sur les mécanismes visuo-attentionnels en lecture et comment ils peuvent aider
Auteur / Autrice : | Viet Chau Linh Nguyen |
Direction : | Angela Sirigu, Alice Gomez |
Type : | Thèse de doctorat |
Discipline(s) : | Sciences cognitives |
Date : | Soutenance le 25/10/2022 |
Etablissement(s) : | Lyon 1 |
Ecole(s) doctorale(s) : | École doctorale Neurosciences et Cognition (NSCo) (Lyon) |
Partenaire(s) de recherche : | Equipe de recherche : Institut de sciences cognitives Marc Jeannerod (Lyon ; 2006-....) |
Jury : | Président / Présidente : Pierre Fourneret |
Examinateurs / Examinatrices : Angela Sirigu, Alice Gomez, Franck Ramus, Françoise Vitu-Thibault, Eddy Cavalli, Johannes Ziegler | |
Rapporteurs / Rapporteuses : Franck Ramus, Françoise Vitu-Thibault |
Résumé
La littérature scientifique a mis l’accent sur l’importance des mécanismes visuo-attentionnels dans l’apprentissage de la lecture. Dans cette thèse, nous avons exploré si la technologie Digit-tracking pourrait être un bon outil pour étudier les mécanismes visuo-attentionels qui sous-tendent l’apprentissage de la lecture, améliorer son acquisition en renforçant le focus attentionnel et en réduisant le coût de l’encombrement visuel, mais aussi mesurer l’évolution du niveau de lecture utilisant les mouvements digitaux comme indicateur. La méthode digit-tracking consiste à présenter un texte flouté sur l’écran qui peut être déflouté avec le toucher du doigt, laissant l’utilisateur «découvrir» le texte au fur et à mesure que son doigt se déplace. L’originalité de la méthode tient dans le fait qu’elle mime l’acuité de la rétine. Ainsi, le texte en vision périphérique peut être masqué pas le floutage, réduisant le coût de l’encombrement visuel. Le pointage du doigt au cours la lecture contribue à renforcer le focus attentionnel. Simultanément, la position du doigt au-dessous du morceau de texte est enregistrée. Dans la première étude, nous avons testé si entraîner à lire avec l’outil digit-tracking pourrait améliorer l’apprentissage de la lecture chez les enfants de CP. Les résultats montrent que les séances d’entraînement de 35 minutes au cours de 6 semaines avec l’outil permettait une plus forte progression en lecture de lettres, graphèmes et syllabes ainsi qu’en fluence de lecture, comparé à un entraînement identique mais présenté sur papier. De plus, les mouvements digitaux enregistrés par l’outil sont un bon indicateur du niveau de lecture en CP. Dans la deuxième étude, nous avons testé si la suppression des lettres en vision parafovéale serait pertinente, afin de soutenir l’effet observé de digit-tracking dans l’étude 1. En effet, la littérature suggère que le bénéfice de la prévisualisation en parafovéa surpasse le coût de l’encombrement visuel seulement quand l’expertise en lecture augmente. Nous avons étudié l’évolution de la balance coût-bénéfice des lettres en parafovéa, en manipulant la taille de la fenêtre de défloutage, du début de CP jusqu’en fin de CE1. Les mouvements digitaux (durée de fixation digitale, longueur de saccade digitale, etc.) obtenus dans les deux conditions de défloutage indiquent qu’en début de l’apprentissage, le coût induit par l’encombrement visuel est plus fort qu’aux stades plus avancés. L’amélioration de la lecture au cours du temps permet aux enfants de traiter une quantité d’information plus importante en une seule fois, notamment grâce à l’émergence de la prévisualisation parafovéale qui prends le dessus sur l’effet délétère de l’encombrement visuel. L’effet du niveau de lecture sur les variables de cinématique du doigt est concordant avec les résultats de l’étude 1 : une bonne maîtrise de la lecture implique les fixations plus courtes, moins nombreuses et des saccades plus longues. Dans la troisième étude, nous avons répliqué les résultats de l’étude 1 qui suggèrent que les mouvements digitaux reflètent l’expertise en lecture, en comparant les données des lecteurs adultes experts et les enfants de CP. Les résultats sont cohérents avec la littérature sur les mouvements oculaires et avec les deux premières études : les bons lecteurs ont un pattern plus optimal (fixations plus courtes et moins nombreuses, saccades plus longues) que les moins bons lecteurs. Les derniers sont aussi plus affectés par la longueur des mots. Cette étude confirme que les mouvements digitaux sont un bon indicateur du niveau de lecture en révélant le type de traitement des mots (parallèle ou sérielle). Ces résultats devraient ouvrir des perspectives d’utilisation de l’outil digit-tracking, non seulement pour comprendre comment fonctionne l’apprentissage de la lecture sous l’angle des processus visuo-attentionnels, mais aussi pour détecter précocement les difficultés de lecture pour proposer des aides spécifiques.