Grandes fluctuations macroeconomiques : criticalité auto-organisée dans les réseaux d'entreprise, modèles basés agents et matrices aléatoires.
Auteur / Autrice : | Théo Dessertaine |
Direction : | Michael Benzaquen |
Type : | Thèse de doctorat |
Discipline(s) : | Physique |
Date : | Soutenance le 12/10/2022 |
Etablissement(s) : | Institut polytechnique de Paris |
Ecole(s) doctorale(s) : | École doctorale de l'Institut polytechnique de Paris |
Partenaire(s) de recherche : | établissement opérateur d'inscription : École polytechnique (Palaiseau, Essonne ; 1795-....) |
Laboratoire : Laboratoire d'Hydrodynamique de l'École polytechnique (Palaiseau ; 1990-....) | |
Jury : | Président / Présidente : Isabelle Méjean |
Examinateurs / Examinatrices : Michael Benzaquen, Herbert Dawid, Francesco Zamponi, Grégory Schehr, Jean-Pierre Nadal | |
Rapporteur / Rapporteuse : Herbert Dawid, Francesco Zamponi |
Mots clés
Résumé
Quelle est l'origine des fluctuations macroéconomiques ? À la fin du xxe siècle, Ben Bernanke introduisait pour la première fois ce qu'il appela le puzzle des ''small shocks, large business cycles'' faisant référence à l'apparente incompatibilité entre les petites fluctuations observées au niveau granulaire de l'économie (''small shocks'') et les larges fluctuations macroéconomiques (''large business cycles''). Par exemple, le PIB des États-Unis montre un taux moyen de croissance annuelle stable autour de 3% mais présente des fluctuations atteignant 2.7%. L'énigme réside dans le fait que la plupart de cette volatilité en excès ne peut être liée à des crises exogènes connues, comme les chocs pétroliers ou la crise financière de 2008, et doit donc être d'origine endogène, c'est-à-dire générée par l'économie elle-même. De nombreuses explications ont vu le jour, les plus connues impliquant la distribution en loi de puissance des tailles d'entreprises qui se répercuterait au niveau agrégé de l'économie, ou bien des effets de réseaux responsables de l'amplification des chocs microscopiques. En revanche, ces explications reposent sur des modèles économiques à l'équilibre représentant le monde comme une succession d'états équilibrés atteints instantanément et sans frictions, et qui, tautologiquement, ne prennent pas en compte les effets hors équilibres. Dans cette thèse, les deux premières parties sont consacrées à la recherche de mécanismes hors équilibres pouvant expliquer la volatilité en excès. La troisième partie est dédiée à l'étude plus générale des systèmes linéaires par cônes, omniprésents en économie.Nous commençons par montrer que l'équilibre au sens économique n'existe pas toujours dans les réseaux d'entreprises. Cela a plusieurs conséquences. Premièrement, comme l'équilibre n'est pas toujours bien défini, les modèles économiques devraient être principalement conçus hors-equilibre. Deuxièmement, proposant un modèle dynamique minimal et comportemental pour l'ajustement des prix et productions dans un contexte d'interactions inter-entreprises, nous montrons que l'économie subit un ralentissement critique au voisinage du point de non-existence de l'équilibre caractérisé par une divergence du temps de relaxation et une accumulation des chocs dans le réseau générant naturellement de la volatilité en excès. Troisièmement, nous argumentons, dans le même esprit que Bak et al., que les économies actuelles sont proches du point de non-existence de l'équilibre à cause du phénomène dit de criticalité auto-organisée.Dans la deuxième partie, nous nous éloignons du modèle minimal et proposons un modèle basé agents pleinement cohérent prenant en considération des éléments économiques plus réalistes. Nous montrons que la multitude de boucles de rétroactions, engendrées par les interactions entre entreprises, génère des oscillations endogènes pour des valeurs économiquement cohérentes des paramètres gouvernant le modèle, donnant alors une autre piste pour expliquer la volatilité en excès. En outre, une étude analytique du modèle révèle que la dynamique reste non triviale au niveau linéaire : la dépendance linéaire des entrées et sorties économiques peut elle-même varier en fonction de la forme des entrées. Ces systèmes, appelés linéaires par cônes, génèrent aisément, même dans les cas les plus simples, des paternes de crises ainsi que des oscillations et sont omniprésents en économie.Cela mène naturellement à la dernière partie de cette thèse où nous nous intéressons aux propriétés de stabilité de ces systèmes dans un contexte plus général de matrices aléatoires. Nous montrons que les systèmes linéaires par cônes peuvent exhiber des propriétés hautement non triviales comme l'absence de concentration de la mesure de l'exposant de Lyapunov maximum qui gouverne la stabilité du système.