Articuler Sécurité Réglée et Sécurité Gérée dans les compromis en conception : une approche croisée du travail de concepteurs et de mécaniciens pour une maintenance aéronautique sûre
Auteur / Autrice : | Camille Murie |
Direction : | Flore Barcellini, Willy Buchmann, Lucie Cuvelier |
Type : | Thèse de doctorat |
Discipline(s) : | Psychologie et Ergonomie |
Date : | Soutenance le 07/12/2022 |
Etablissement(s) : | Paris, HESAM |
Ecole(s) doctorale(s) : | École doctorale Abbé Grégoire (Paris) |
Partenaire(s) de recherche : | Laboratoire : Centre de recherche sur le travail et le développement (2007-... ; Paris) - Centre de recherche sur le travail et le développement / CRTD |
établissement de préparation de la thèse : Conservatoire national des arts et métiers (France ; 1794-....) | |
Jury : | Président / Présidente : Alain Garrigou |
Examinateurs / Examinatrices : Flore Barcellini, Willy Buchmann, Alain Garrigou, Christine Chauvin, Philippe Cabon, Lucie Cuvelier, Irène Gaillard, René Amalberti | |
Rapporteur / Rapporteuse : Christine Chauvin, Philippe Cabon |
Résumé
Notre recherche s’ancre dans la demande industrielle d’un constructeur d’hélicoptères centrée sur la diminution du risque d’erreur en maintenance aéronautique à travers la conception d’une maintenance sûre. Cette demande s’inscrit dans une vision classique de la sécurité (Hollnagel et al., 2015), considérant la sécurité comme l’absence de risque ; vision qui a contribué à la construction d’une industrie aéronautique considérée comme ultra-sûre.Cette vision classique de la sécurité est discutée par les champs d’étude de la sécurité et l’ergonomie de l’activité depuis plus d’une dizaine d’années. Cette thèse s’inscrit dans ces approches : elle porte une vision constructive de la sécurité et s’appuie sur les concepts de sécurité en action et de sécurité réglée et gérée (SR/SG) (p.ex. Morel et al., 2008 ; de Terssac & Gaillard, 2009). Notre thèse explore l’articulation SG/SR en interrogeant, de façon croisée, l’activité de concepteurs en maintenabilité et celle de mécaniciens. Pour assurer la sécurité aérienne, les concepteurs et les mécaniciens font face à des situations de conflits de contraintes, que nous appelons des Situations à Enjeux de Sécurité (SES). Nous cherchons à comprendre les modalités de gestions de ces conflits de contraintes à travers le prisme de la construction de compromis micro et macro-centrés (Amalberti, 2013). Nous identifions et analysons les SES dans les situations de travail concepteurs en maintenabilité (premier chapitre empirique) et des mécaniciens (deuxième chapitre empirique). Ceci nous permet de montrer que les modèles de sécurité mobilisés par les concepteurs et les mécaniciens, pour concevoir et agir en sécurité, entrent en conflit. D’une part, les concepteurs cherchent à construire des compromis micro-centrés (ex. contraintes du travail des mécaniciens à intégrer dans la conception) et macro-centrés (ex. ajustement aux contraintes des autres acteurs de la conception) pour concevoir des solutions (ex. modification de design) qui permettent aux mécaniciens d’appliquer les procédures « de façon sécurisée », c’est-à-dire en se conformant à la procédure. Les concepteurs en maintenabilité cherchent donc à supprimer l’écart entre la sécurité réglée et gérée jugé comme étant à risque. D’autre part, agir en sécurité pour les mécaniciens revient à opérer des compromis micro-centrés entre respect stricte des procédures et préservation d’une relation de service de qualité auprès des opérateurs de vol : les mécaniciens sont amenés à adapter les procédures pour assurer, en sécurité, le service de maintenance, ce qui implique un écart aux procédures.Ce constat nous amène à proposer une démarche de conception participative d’une maintenance sûre– la démarche Contraintes/Stratégies/Ressources (CSR) - soutenant le dialogue entre concepteurs et mécaniciens pour l’articulation SR/SG (Cuvelier et Woods, 2019). Le troisième chapitre empirique décrit la mise en place de cette démarche et les premiers résultats de son usage en conception de la maintenance. Nous identifions des contraintes organisationnelles (ex. l’imprévisibilité de la maintenance) limitant la mise en place d’une telle démarche au sein d’une organisation ultra-sûre et ultra-réglée. Si les premiers usages montrent bien une mise en discussion de la sécurité gérée pour concevoir la sécurité réglée, ces discussions ne visent qu’une articulation cherchant à réduire l’écart entre sécurité réglée et gérée, cet écart étant toujours considéré comme un risque.Ces résultats nous amènent à discuter le sens des modèles de sécurité pour les concepteurs et les mécaniciens en lien avec les critères de qualité de leur travail. Ils ouvrent également des perspectives sur l’accompagnement de l’évolution des organisations ultra-sûres du rejet de l’écart entre SR/SG vers une mise en dialogue SR/SG.