Thèse soutenue

"De viel porte voix et le ton" : corps et masques du vieillissement dans la poésie en français des XIVe et XVe siècles

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Auteur / Autrice : Camille Brouzes
Direction : Estelle Doudet
Type : Thèse de doctorat
Discipline(s) : Lettres et arts spécialité littératures française et francophone
Date : Soutenance le 10/06/2022
Etablissement(s) : Université Grenoble Alpes
Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale langues, littératures et sciences humaines (Grenoble, Isère, France ; 1991-....)
Partenaire(s) de recherche : Laboratoire : Laboratoire Arts et pratiques du texte, de l’image, de l’écran et de la scène (Grenoble)
Jury : Président / Présidente : Philippe Maupeu
Examinateurs / Examinatrices : Jean-Claude Mühlethaler, Fleur Vigneron
Rapporteurs / Rapporteuses : Adrian Armstrong, Sylvie Lefèvre

Mots clés

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Mots clés contrôlés

Résumé

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Ce travail s’intéresse aux représentations du vieillissement dans la poésie en français de la fin du Moyen Âge. Comparant les productions d’une dizaine de poètes parmi lesquels Eustache Deschamps, Charles d’Orléans, Michault Taillevent ou Jean Froissart, il analyse les raisons pour lesquelles le discours poétique devient à cette période le lieu privilégié de l’exposition de corps sénescents et plus particulièrement d’autoportraits en vieillard. Nous montrons comment cette incursion du grand âge dans un genre jusqu’ici voué à la jeunesse participe des mutations de la voix poétique dans l’histoire littéraire. Nous partons du postulat que, tout en se présentant comme une position de faiblesse, le masque du grand âge comporte en vérité des ressources intéressantes pour les poètes qui les exploitent et qui cherchent à faire valoir une supériorité. La première partie se centre sur le corps vieillissant que se donnent les poètes, elle montre de quelles manières ils reconfigurent les savoirs à leur disposition, qui encadrent fortement la conception médiévale de la sénescence, pour produire un corps poétique marqué de singularité, y compris dans sa dimension la plus obscène. La seconde partie porte sur les rapports qu’entretiennent ces corps d’hommes avec une vieillesse au féminin à laquelle ils cèdent la parole. Tout en perpétuant une tradition de représentations très misogynes de la sénescence des femmes, les poètes font entendre des voix féminines moins comiques : en faisant de ces dernières les porte-paroles de leur esthétique, ils confèrent par le jeu de l’incarnation poétique une dignité aux vieillardes. La dernière partie entend redéfinir les implications esthétiques et communicationnelles de l’identité poétique de sénescent. Nous établissons que le vieillissement tient une position particulière parmi les différents masques que les poètes peuvent adopter. S’il ne s’autorise pas toujours d’un ancrage biographique, il se définit par rapport à une morale des âges qui impose des devoirs et offre des bénéfices, portant au cœur des textes une charge affective plus forte destinée à toucher le lectorat. Les avantages d’un ethos sénescent apparaissent plus clairement à l’examen de deux types d’actes communicationnels : l’enseignement, porté par le discours didactique, et la requête, par laquelle les poètes avancent une demande. Notre étude entend ainsi remettre en question la négativité que le champ des aging studies associe à la notion de stéréotype, devenue sous la plume des poètes sénescents non plus une contrainte mais un atout.