Thèse soutenue

La ''vallée de l'aluminium'', une histoire environnementale des territoires alpins face aux pollutions de la grande industrie

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Auteur / Autrice : Olivier Chatterji
Direction : Anne Dalmasso
Type : Thèse de doctorat
Discipline(s) : Histoire
Date : Soutenance le 13/12/2022
Etablissement(s) : Université Grenoble Alpes
Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale sciences de l'homme, du politique et du territoire (Grenoble ; 2001-....)
Partenaire(s) de recherche : Laboratoire : Laboratoire de recherche historique Rhône-Alpes (Lyon ; 2003-....)
Jury : Président / Présidente : Christophe Bouneau
Examinateurs / Examinatrices : Mauve Carbonell, Renaud Bécot, Nicolas Buclet
Rapporteur / Rapporteuse : Jean-Michel Minovez, Philippe Mioche

Résumé

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Cette thèse vise à explorer les impacts sociaux et environnementaux de l’industrie de l’aluminium dans ses territoires d’activités. Avec l’invention d’un procédé électrochimique de production du métal en 1886, celle-ci profite du formidable développement de l’hydroélectricité dans les Alpes pour implanter six usines de production et de nombreuses infrastructures énergétiques dans la vallée de la Maurienne. La croissance phénoménale de l’aluminium a fait de cette vallée le centre de la production en France, à la fois pionnier et toujours actif. Elle a également soumis les sociétés locales à une pollution au fluor considérable. La spécificité de cette thèse est d’aborder celle-ci à l’échelle du territoire, dans une industrie oligopolistique implantée à l’interface avec ses ressources naturelles. Cette approche vise non seulement à aborder les controverses sur les polluants en lien avec la construction des savoirs et des stratégies visant à les réduire. Elle vise également à explorer les rapports des sociétés locales à l’industrie dans le cadre la construction d’un « territoire aluminier ».Ce travail cherche à remettre en cause l’idée d’un « tournant environnemental » inédit et qui émergerait de manière précoce à l’échelle du groupe Pechiney dans les décennies 1960-1970. Marquée par une première phase de prise de conscience de la démesure des pollutions du groupe cette période aurait alors permit, après une seconde phase de modernisation technique, la normalisation des relations entre la firme et ses territoires d’activité. En explorant la période précédente, nous montrons, à l’échelle de la vallée, l’existence d’un premier cycle déjà constitué d’une première phase marquée par une forte conflictualité (1891-1914) et dont la résolution permet aussi d’aboutir à une phase de normalisation et d’accommodement au risque industriel (1910-1959). Afin d’en étudier les singularités, nous portons l’attention sur les représentations du progrès en lien avec la réglementation des industries polluantes et la perception par les populations locales de l’industrialisation. Nous abordons ensuite le sens et les enjeux des protestations contre la pollution et montrons comment ces mouvements, locaux avant 1910 et portés par les « perdants du développement », visent ensuite à se fédérer à l’échelle départementale autour de nombreuses catégories d’acteurs (agriculteurs, ouvriers, pêche, pisciculture, tourisme, thermalisme) regroupés autour de la préservation des milieux menacés par l’industrialisation. Nous montrons comme cette première phase est suivie d’une seconde phase marquée par la disparition de la pollution de l’espace publique. Partant de ce constat, nous abordons les rôles joués par le régime administratif des établissements classés, les savoirs sur le fluor produit dans le cadre de la science médicale ainsi que la mise en place, par la firme, d’un ensemble d’innovations sociales et techniques. Nous tentons de montrer comment ce silence sur les pollutions est construit à la fois par des stratégies de fermeture des controverses et d’invisibilisation du risque mais aussi autour d’éléments de réponse aux enjeux soulevés par les protestations dans la première période, d’adhésion au projet industriel et de mise en place de formes d’arrangements entre l’usine et le territoire. Nous terminons ce propos en montrant comment cette phase se termine avec l’intégration de l’environnement dans la gestion ordinaire du groupe mais aussi avec le rôle pionnier joué par la vallée dans l’émergence dans les années 1950 de craintes nationales concernant la pollution atmosphérique et qui a pour origine les augmentations spectaculaires de production lors de la Seconde guerre mondiale puis leur reconversion en économies d’abondance au début des « Trente glorieuses ».