Paysage mémoriel, tourisme et relations inter-communautaires après la « Guerre Patriotique » (1991-1995) en Croatie : approche anthropologique
Auteur / Autrice : | Fanny Arnaud |
Direction : | Élisabeth Claverie |
Type : | Thèse de doctorat |
Discipline(s) : | Anthropologie sociale et ethnologie |
Date : | Soutenance le 12/12/2022 |
Etablissement(s) : | Paris, EHESS |
Ecole(s) doctorale(s) : | École doctorale de l'École des hautes études en sciences sociales |
Jury : | Président / Présidente : Hamit Bozarslan |
Examinateurs / Examinatrices : Hamit Bozarslan, Dejan Dimitrijević, Anne Doquet, Galia Valtchinova | |
Rapporteurs / Rapporteuses : Dejan Dimitrijević, Isabelle Rivoal |
Mots clés
Résumé
Cette thèse prend pour objet la mémoire de la « Guerre Patriotique », expression vernaculaire qui désigne la guerre qui s'est déroulée en Croatie entre 1991 et 1995, consécutivement à la sécession de la Croatie de la Fédération Yougoslave. Elle s'intéresse à la constitution d'une mémoire officielle, à travers l'édification de monuments et mémoriaux, la création de musées et centres commémoratifs, l'organisation de cérémonies, l'enseignement de l'histoire scolaire. Ces dispositifs mémoriels sont des vecteurs de transmission du récit sur le passé, des valeurs du groupe, ils sont aussi un moyen de signifier la souveraineté nationale sur un territoire contesté, en ancrant la mémoire dans le paysage. Tous ces éléments sont appréhendés ensemble, comme un réseau de lieux de mémoire et de dispositifs mémoriels matériels et immatériels, pérennes et éphémères, et sont considérés comme formant le paysage mémoriel croate. Ce paysage mémoriel est considéré comme une matrice cognitive, permettant de transmettre aux citoyens le récit sur le passé. À partir d'une enquête ethnographique multi-située d'une durée de dix mois, réalisée entre juin 2011 et juin 2015, cette recherche examine le processus de mémorialisation de la guerre en train de se faire et analyse l'impact des politiques mémorielles sur les relations inter-communautaires, et notamment l'impact sur le vivre-ensemble de la concurrence mémorielle entre les entrepreneurs de mémoire de la majorité croate et de la minorité nationale serbe. Il s'agit en outre d'examiner la réception de cette mémoire officielle, pour montrer que malgré son caractère hégémonique, et largement partagé, elle fait l'objet de contestation et de remise en question de la part d'acteurs de la société civile. Cette recherche interroge aussi la création de l'identité touristique de la Croatie post-conflit, les mesures mises en œuvre par les institutions croates pour faire oublier la guerre à la clientèle internationale et élaborer une image identifiante la destination dans le secteur hautement concurrentiel du tourisme balnéaire méditerranéen. Elle interroge en retour l'incidence du tourisme sur les politiques mémorielles, en analysant la façon dont le tourisme influe sur la visibilité de la mémoire. Il s'agira de montrer que tourisme et mémoire de la violence de masse sont incompatibles, ce qui amène à l'occultation de la mémoire dans les espaces fréquentés par les touristes. Toutefois, lorsqu'elle trouve à s'exprime dans des codes inaccessibles aux visiteurs étrangers, mémoire et tourisme peuvent cohabiter.