La construction relationnelle de la protection : un espace-refuge des Syriens à Beyrouth
Auteur / Autrice : | Leila Drif |
Direction : | Blandine Destremau, Michel Agier |
Type : | Thèse de doctorat |
Discipline(s) : | Anthropologie sociale et ethnologie |
Date : | Soutenance le 09/12/2022 |
Etablissement(s) : | Paris, EHESS |
Ecole(s) doctorale(s) : | École doctorale de l'École des hautes études en sciences sociales |
Jury : | Président / Présidente : Dominique Vidal |
Examinateurs / Examinatrices : Dominique Vidal, Mona Harb el-Kak, Myriam Catusse, Mohamed Kamel Doraï | |
Rapporteurs / Rapporteuses : Dominique Vidal, Mona Harb el-Kak |
Résumé
Depuis 2011, des Syriens ont fui leur pays en guerre pour se réfugier au Liban, un pays qui ne leur accorde pas de droits en tant que réfugiés. Comment, dès lors, se ménagent-ils des formes de protection, s’ils n’en sont pas sujets de droit ? Et que signifie socialement cette protection, dans un contexte où sa mise en œuvre repose principalement sur la société civile, via le système légal de la kafāla (sponsorship) ? Ainsi tributaire de l’hospitalité de la société d’accueil, quelle expérience du refuge la mise en œuvre de la protection des réfugiés syriens, par les populations « hôtes », conditionne-t-elle ? De là, comment les personnes exilées naviguent-elles dans les marges d’une société, dont la protection sociale n’est elle-même pas du ressort de l’État ? C’est à ces questions que vise à répondre la thèse. L’objectif est de comprendre comment, en l’absence de droit d’asile légal, l’institution sociale de relations d’obligations vient combler les lacunes du système international d’assistance. Dans un contexte où la ville est partie prenante de « la crise des réfugiés » et de la dimension locale de ses réponses, l’échelle urbaine est le cadre choisi pour cette étude. Ce faisant, l’ethnographie se déploie, dans une perspective monographique, sur Hayy Gharbe ; une marge urbaine au sud de Beyrouth, devenue un quartier d’installation des réfugiés de Syrie, et refuge historique pour un ensemble de pauvres urbains (déplacés du Sud Liban, Doms, travailleuses bangladaises). J’y explore la manière dont les relations sociales de tutelle et d’obligation entre les hôtes et les réfugiés syriens produisent des formes de protection privée qui se constituent en norme de protection publique. Au croisement de l’anthropologie urbaine, de l’étude critique de l’aide internationale, de la sociologie des migrations et du droit, la thèse reconstitue, dans une première partie, la fabrication de l’espace-refuge de Hayy Gharbe comme espace d’un droit alternatif de protection, dans ses dimensions historiques, sociales et politiques. Elle fait dialoguer l’étude ethnographique de cet objet urbain, avec l’analyse multi-située de différents acteurs impliqués dans le dispositif d’aide internationale. Dans une seconde partie, le regard s’immisce dans les pratiques, transactions et représentations des sujets, qui façonnent une économie relationnelle de la protection, au croisement de l’appartenance, de la dette et de registres de justification morale et de revendication de droits.