Le Liban au miroir du mariage civil : luttes militantes, hiérarchies sociales et pratiques de ritualisation

par Michela De Giacometti

Thèse de doctorat en Anthropologie sociale et ethnologie

Sous la direction de Franck Mermier.

Soutenue le 02-12-2022

à Paris, EHESS , dans le cadre de École doctorale de l'École des hautes études en sciences sociales .

Le président du jury était Fabrice Boudjaaba.

Le jury était composé de Fabrice Boudjaaba, Isabelle Rivoal, Véronique Bontemps, Jean-Michel Butel, Céline Béraud, Myriam Catusse.

Les rapporteurs étaient Isabelle Rivoal, Chantal Verdeil.

mots clés

• Liban
• Mariage
• Hiérarchies sociales
• Mouvements civils
• Confessionnalisme
• Laïcité
• Mariage civil -- Liban
• Laïcité -- Liban
• Normes sociales -- Liban
• Communautarisme -- Liban
• Mariage civil -- Chypre

Résumé

Fondée sur un terrain ethnographique au Liban et dans la République de Chypre, cette thèse explore la question du mariage civil au Liban à partir d’une triple perspective. En premier lieu, elle s’attache à restituer les actions collectives menées depuis la fin de la guerre du Liban (1975-1990) en faveur de la légalisation du mariage civil sur le territoire libanais. En s’intéressant au militantisme pro-mariage civil, ce travail entend ainsi éclairer l’évolution du mariage civil comme métaphore mobilisatrice pour la construction d’un État non-confessionnel. Pour ce faire, ont été étudiées les différentes façons qu’ont les militants et militantes de penser la citoyenneté, la déconfessionnalisation et la laïcité au regard du statut personnel ainsi que l’inscription de leurs actions dans l’espace public. Il s'agit, en deuxième lieu, de comprendre comment se (re)définissent certaines normes et hiérarchies sociales à travers l'étude des pratiques ordinaires des couples qui célèbrent des mariages civils à l’étranger. Loin d’être un lieu où se jouent l’égalité et la réconciliation de cette société pluricommunautaire, le mariage civil articule des pratiques qui contribuent à éclairer les mécanismes de construction de la différence sociale au Liban ainsi que les processus de subjectivation à l’œuvre autour d’une institution souvent considérée comme la prérogative d’une minorité sécularisée et libérale. Enfin, ce travail s’intéresse à la dimension économique et transnationale du mariage civil, à travers le suivi des réseaux mobilisés en vue de le célébrer à l’étranger. Depuis les acteurs de l’industrie du mariage jusqu’aux fonctionnaires civils chypriotes, l'étude porte autant sur le phénomène de régionalisation du mariage civil que sur les pratiques de ritualisation observées à Chypre qui cristallisent des représentation du couple, de l’amour et du mariage. En combinant les perspectives militantes avec une ethnographie des mariages civils ordinaires, cette thèse propose de lire ces trois aspects comme étant complémentaires pour la compréhension du phénomène du mariage civil et des pratiques qui défient l’ordre communautaire au Liban. Un fil rouge les unit : la demande de reconnaissance politique et sociale du mariage civil en continuité, et non pas en rupture, avec la vision du mariage comme forme hégémonique de reproduction sociale au Liban.

mots clés

• Lebanon
• Marriage
• Social hierarchies
• Civil movements
• Sectarianism
• Secularism

Titre traduit

Lebanon in Light of Civil Marriage : Civil Activism, Social Hierarchies and Practices of Ritualization

Résumé

Often viewed as an exception in the Arab world for its mode of governance – i.e. political sectarianism – Lebanon is also peculiar in its plural system of marriage and family laws: in Lebanon, marriage can only be contracted religiously, according to one of the fifteen religious personal status codes. While forbidden on the Lebanese soil, civil marriages celebrated overseas can yet be registered in Lebanon, provided that they respect Lebanese “public order”. This legal pluralism is considered a translation of sectarianism and the often-criticized assurance of its survival. Based on an ethnographic fieldwork in Lebanon and the Republic of Cyprus, this dissertation deals with the issue of civil marriage in Lebanon from three different perspectives. First, it explores the collective demands for legalizing civil marriage in Lebanon since the end of the Lebanese war (1975-1990). By focusing on pro-civil marriage activism, this work aims at shedding light on the evolution of civil marriage as a mobilizing metaphor for building a non-sectarian state. It studies the ways citizenship, anti-sectarianism and secularism are entangled with personal status and how activists have come to occupy the public space. Second, this research deals with couples' ordinary practices of civil marriage in an effort to understand how sectarian patterns, gender norms and social hierarchies are (re)defined. Far from being an exclusive site for playing out social equality and the reconciliation of this sectarian society, civil marriage articulates practices that shed light on the dynamics of social difference in Lebanon. More precisely, this work describes how different subjectivities are modeled around the practices of civil marriage, which are often considered as the prerogative of a secular and liberal minority. Finally, this work focuses on the economic and transnational infrastructure of civil marriage. From the wedding industry to Cypriot civil servants, it examines the regionalization of civil marriage and its ritualization in Cyprus. These phenomena stem both from the market logic and from the need to restore morality on civil marriage. Therefore, ritual practices and weddings are apprehended as sites for the reproduction of certain ideas of the couple, love and the marriage. By combining social movement’s analyses with an ethnography of ordinary civil marriages, this work suggests to approach these three perspectives as complementary to the understanding of civil marriage and practices that challenge the sectarian order in Lebanon. They are linked by a common thread: the demand for a political and social recognition of civil marriage not as a way to break out but of reinforcing marriage as a hegemonic form of social reproduction in Lebanon.