Transformations agraires en Lorraine : biens communaux et usages collectifs (XVIIIème-XIXème siècles)
Auteur / Autrice : | Manuel Rios |
Direction : | Gérard Béaur, Carlos Astarita |
Type : | Thèse de doctorat |
Discipline(s) : | Histoire et civilisations |
Date : | Soutenance le 21/10/2022 |
Etablissement(s) : | Paris, EHESS en cotutelle avec Universidad de Buenos Aires |
Ecole(s) doctorale(s) : | École doctorale de l'École des hautes études en sciences sociales |
Jury : | Président / Présidente : Rosa Congost |
Examinateurs / Examinatrices : Rosa Congost, Andrea Reguera, Octavio Colombo, Pablo F. Luna | |
Rapporteurs / Rapporteuses : Rosa Congost, Andrea Reguera |
Résumé
Tout au long du XVIIIème et XIXème siècles, biens communaux et usages collectifs ont été placés parmi les causes principales d’un supposé retard économique français qui contrastait avec la réussite britannique fondée sur les enclosures. L’État était signalé comme le responsable de modifier la situation rurale à travers l’action législative.Notre étude est formée par trois régions situées sur les départements lorrains de la Meuse, la Moselle et les Vosges ; la première située sur la vallée de la Meuse et les autres deux sur le plateau. Vers 1789, bois et pâturages communaux occupent environ le quart de la superficie. Une lourde structure d’usages se monte sur terres et forêts privées. Sur le plateau, propriétés, exploitations et bétail se trouvent plus concentrés, les fermes de 20 hectares et plus dominent la production. Dans la vallée de la Meuse, elles sont plus morcelées : les exploitations de 5 à 20 hectares dominent et le bétail se distribue plus égalitairement. Le plateau se montre plus polarisé en termes socio-économiques. Dans la deuxième moitié du XVIIIème siècle les manœuvres du plateau impulsent quelques partages des communaux. Dans le Xaintois, ce processus s’accélère après 1789. Le partage donne de la terre aux manœuvres mal pourvus ce qui favorise la fixation de la main d’œuvre dans les campagnes. La production salariée est ainsi subventionnée par le patrimoine villageois. Ces partages sont absents dans la Meuse.À partir de 1767, des édits autorisent les clôtures ; pourtant, le morcellement des propriétés réduit le bénéfice aux gros propriétaires. Pour les villageois, l’embannie est bien plus importante à l’heure de soustraire des terres du régime de vaine pâture. Théoriquement, ces procédures doivent être autorisées par l’État. Cependant, les assemblées villageoises sanctionnent des embannies de regains même si aucune autorisation est octroyée. En outre, les propriétaires s’emparent des herbes, ignorant la procédure de distribution légalement déterminée. À nouveau, cette évolution n’est pas constatée dans la Meuse : les embannies de regains sont plutôt rares tout au long des XVIIIème et XIXème siècles. Dans tous les cas, l’État semble incapable de diriger le processus d’appropriation des regains : ce sont les producteurs qui, par voie de fait, décident d’étendre les embannies.Dans la Moselle, la plupart des communes sont seulement usagères dans des bois privés ou du Domaine. Vers 1789, les plaintes concernant la réduction des droits d’usage sont habituelles dans ce département. Dans la Meuse et les Vosges, les communes sont propriétaires : le produit des forêts leur revient. Pourtant, même si la propriété des bois favorise l’accès aux ressources, l’intensification de l’exploitation a des conséquences sur les économies domestiques. De plus en plus, les communes vendent leurs ressources. Les forêts se dégradent et leur produit est diminué. Si l’évolution concernant biens communaux et usages diffère dans le plateau et la vallée, la productivité des grains et les nouvelles cultures progressent dans les trois départements au long du XIXème siècle : la vaine pâture ne produit pas un blocus. Dans la vallée de la Meuse, propriétés et exploitations se morcellent davantage. Sur le plateau, la concentration des propriétés et des exploitations se poursuit en détriment des moyennes. Certainement, le recul du pâturage communal sur les herbes des prairies privées stimule la concentration des terres. Dans la vallée de la Meuse, la population s’accroît d’un 20 % entre 1793 et 1846 ; sur le plateau elle grimpe d’environ 40 %. Le partage des communaux, autrefois présenté comme une privatisation, a par contre des résultats inverses : il permet l’accès à la terre aux manœuvres. L’intensification de l’exploitation des forêts dans un cadre où les pâturages sont de plus en plus restreints et la pression démographique marquent un point d’inflexion : l’exode rural réoriente la main d’œuvre disponible vers les villes et industries.