''Entre les fortifications et la province'', le bonheur dans le pré : une histoire littéraire et culturelle du bonheur en banlieue verte (1820-1939)
Auteur / Autrice : | Constance Barbaresco |
Direction : | Judith Lyon-Caen, Myriam Boucharenc |
Type : | Thèse de doctorat |
Discipline(s) : | Littérature : théorie, histoire |
Date : | Soutenance le 30/09/2022 |
Etablissement(s) : | Paris, EHESS |
Ecole(s) doctorale(s) : | École doctorale de l'École des hautes études en sciences sociales |
Jury : | Président / Présidente : Dinah Ribard |
Examinateurs / Examinatrices : Dinah Ribard, Emmanuel Bellanger, Marie-Ange Fougère, Régis Tettamanzi | |
Rapporteur / Rapporteuse : Emmanuel Bellanger, Marie-Ange Fougère |
Mots clés
Résumé
La figuration textuelle de la banlieue parisienne est généralement associée à la noirceur des paysages industriels et à la misère sociale, un univers littéraire au sein duquel Voyage au bout de la nuit (1932) de Louis-Ferdinand Céline a eu une influence marquante. Pourtant, cet espace entre en littérature bien plus tôt, et selon une signification très différente, décrit comme campagne des environs de Paris, « ceinture verte » agricole et bucolique propice aux loisirs des citadins ; où les rires, les cris de joies et les chants résonnent. Cette banlieue verte littéraire sent bon les lilas et les plats des auberges ; elle est aimée et prisée par toute une galerie de personnages – à l’image des pratiques sociales que les écrivains ont observées. C’est alors Paris que l’on quitte pour se reposer ou s’égayer : pour une part non négligeable de la production littéraire, le bonheur est dans le pré. Cette thèse propose une histoire littéraire et culturelle du bonheur en banlieue verte des années 1820 jusqu’à la fin des années 1930. Attentive aux évolutions et dynamiques diachroniques, elle analyse trois phénomènes de mise en récit : les parties de campagne, les retraites dans des maisons de plaisance et les installations dans des petits pavillons, apanages de la classe moyenne parisienne, ces boutiquiers, employés ou ouvriers embourgeoisés pour qui le bruit de l’histoire et de la politique est affaibli et qui ne se soucient que de leur quotidien et de leurs loisirs du dimanche. Reposant sur un corpus d’œuvres très diverses (nouvelles, romans, tableaux de mœurs, etc.) et ouvert à d’autres productions culturelles (guides, reportages, récits d’apostolat missionnaire, caricature, peinture, cinéma, et.), elle articule trois directions d’analyse : l’historicité des formes de récit, celle des manières d’écrire les excursions et les séjours hors de Paris, enfin les mémoires de récits heureux dans des objets culturels et dans les banlieues qui cherchent à se créer un passé et un patrimoine. Cette histoire met en lumière l’importance littéraire de la banlieue verte en tant qu’espace rêvé, catalyseur de multiples attentes et projections, à partir de l’évolution des formes de mise en récit de pratiques récréatives ainsi que la complémentarité et la concurrence que ces écrits entretiennent avec d’autres supports culturels. Les contours de cette banlieue verte changent à mesure que le chemin de fer permet d’atteindre en peu de temps des zones plus lointaines et que l’industrialisation dévore celles les plus proches des limites de la grande ville : les personnages apprennent à la visiter et l’apprivoiser, à y imaginer une vie possible, et de plus en plus à tenter de faire revivre des plaisirs surannés. Cette recherche fait apparaître l’intensité de l’investissement littéraire de cet espace campagnard désiré et vécu, présent bien avant la banlieue noire, nouvel espace de la modernité en crise dans les années 1930.