Thèse soutenue

Survivre le trauma dans l'exil : entre thérapies et impératifs moraux de la société hôte

FR  |  
EN
Auteur / Autrice : Mayssa Rekhis
Direction : Richard RechtmanRebecca Popenoe
Type : Thèse de doctorat
Discipline(s) : Santé et Sciences Sociales
Date : Soutenance le 22/09/2022
Etablissement(s) : Paris, EHESS
Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale de l'École des hautes études en sciences sociales
Jury : Président / Présidente : Isabelle Coutant
Examinateurs / Examinatrices : Isabelle Coutant, Lotte Buch Segal, Miriam Iris Ticktin, Roberto Beneduce, Luc Berlivet, Clara Han
Rapporteur / Rapporteuse : Lotte Buch Segal, Miriam Iris Ticktin

Résumé

FR  |  
EN

''Indésirables'' du monde contemporain (Agier, 2008), les réfugiés sont souvent considérés comme des '' Autres '' dont la vie peut être gâchée, aux frontières meurtrières, dans les centres de détention, ou en marge des sociétés. Alors qu’ils doivent prouver leur souffrance pour recevoir le droit d'asile, les politiques migratoires actuelles attendent d'eux qu'ils surmontent cette souffrance aussitôt acceptés et qu'ils intègrent les sociétés hôtes, en contre-partie de la protection qu'ils ont reçue. En effet, “offrir” la protection aux réfugiés est un investissement que certains pays ont fait afin qu'ils puissent faire face aux problèmes liés au vieillissement de leurs sociétés et à la pénurie de main-d'œuvre, ce qui a été appelé la ''rente des réfugiés” (Hansen, 2021). Dans de tels contextes, les personnes réfugiées se retrouvent dans un cercle vicieux: on attend d'eux qu'ils s'intègrent comme une preuve de mérite « deservingness » sans considération à leurs souffrances et traumatismes, ni à l’exclusion structurelle qu’ils rencontrent dans les sociétés hôtes, alors que le rétablissement de ces mêmes souffrances est freiné par la non-intégration, l'instabilité qui en découle et l'impossibilité d'appartenance et d’acceptation. À travers une ethnographie d'un centre de traumathérapie pour les réfugiés en Suède, cette étude anthropologique explore les expériences des réfugiés qui tentent de gérer leurs traumatismes et leurs souffrances dans un contexte où l'accent est mis sur le fait qu'ils doivent les surmonter et s'intégrer. Il s’agit d’une analyse de près des conséquences des frontières et des politiques de migration et d'intégration sur le quotidien des exilés et sur leurs expériences de souffrance, de rétablissement, de résistance, de vie et de survie, tout en explorant le rôle de la traumathérapie, des discours sur le traumatisme et des dispositifs thérapeutiques dans leurs parcours, leurs possibilités de guérison et de vie digne, en dépit de l'exclusion structurelle et de l'''altérité''.Alors que le traumatisme était autrefois mobilisé pour légitimer le statut de victime et identifier les ''vrais réfugiés'', cette étude sugère que nous assistons aujourd'hui à la naissance d’un régime de survie. Et dans le cas particulier des réfugiés, ce paradigme de survie semble avoir créé de nouvelles hiérarchies et catégorisations : les bons et les mauvais réfugiés, les bons étant ceux qui sont capables de survivre, de surmonter leurs traumatismes et de s'intégrer dans leurs nouvelles communautés. Les mauvais sont ceux qui ne se remettent pas et continuent à être un fardeau pour les États-providence, incapables de s'''intégrer''. Suite à cette catégorisation, les espaces thérapeutiques ont dû assumer un nouveau rôle, celui de renforcer les capacités de survie des réfugiés ''pas encore intégrés''. Ainsi, l'intégration s'est transformée non seulement en un impératif moral de la société d'accueil, mais aussi en une compétence psychologique individuelle, un équivalent de rétablissement et de survie que les réfugiés doivent acquérir pour prouver à la fois leur guérison et leur mérite.