Thèse soutenue

Les Danses macabres hispaniques : Représentations de la mort de la péninsule Ibérique médiévale à la Nouvelle-Espagne

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Auteur / Autrice : Benjamin Lambert
Direction : Maria GhazaliEmmanuelle Klinka
Type : Thèse de doctorat
Discipline(s) : Langue, littérature et civilisation espagnoles
Date : Soutenance le 08/12/2022
Etablissement(s) : Université Côte d'Azur
Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale Sociétés, humanités, arts et lettres (Nice ; 2016-....)
Partenaire(s) de recherche : Laboratoire : Centre de la Méditerranée moderne et contemporaine (Nice) - Laboratoire interdisciplinaire Récits Cultures et Sociétés. UPR 3159 (Nice ; 2012-....)
Jury : Président / Présidente : Marc Marti
Examinateurs / Examinatrices : Sara Gabriela Baz Sánchez
Rapporteurs / Rapporteuses : Emmanuel Marigno, Philippe Merlo

Mots clés

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Résumé

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Notre thèse de doctorat traite des représentations de la mort dans la péninsule Ibérique du bas Moyen Âge et du début de l'ère moderne, et du prolongement de celles-ci en Nouvelle-Espagne. Par représentations, nous entendons toute figuration artistique, spirituelle, sociale et mentale de la mort. Il apparaît qu'au cours du Moyen Âge, les royaumes hispaniques avaient développé une attitude singulière d'acceptation du trépas, en comparaison avec leurs voisins européens. La lecture commentée en chaire de l'Apocalypse continuellement depuis le VIIe siècle, associée au traumatisme de la perte d'un territoire à récupérer aux mains des Musulmans ainsi qu'aux difficultés démographiques, ont progressivement abouti à un sentiment mortuaire plus développé qu'ailleurs dans l'Occident médiéval. Durant le bas Moyen Âge, la mort devient un sujet de préoccupation parmi les sociétés hispaniques, et un sentiment nouveau d'acceptation de la dernière heure se développe au cours d'un XIVe siècle marqué par les conflits politiques et la catastrophe épidémique de la peste noire. Ainsi naquit le courant des Danses macabres, thème artistique issu de la religiosité médiévale chrétienne. Si le genre a connu ses plus célèbres représentations en France et en Allemagne, il apparaît que les royaumes hispaniques ont fortement contribué à son expansion, dans une forme singulière et antérieure aux productions que l'inconscient collectif considère comme les plus importantes. Progressivement, la mort, se faisant quotidienne et indissociable de l'imaginaire, va obtenir un rôle de médiateur symbolique entre la classe religieuse et la population, notamment à travers la forte consolidation des Ordres monastiques qui allaient devenir de plus en plus puissants à la fin du Moyen Âge. Parmi les Ordres mendiants, les Franciscains - communauté la plus répandue et la plus puissante en Espagne - sont ceux qui ont le plus adopté, exploité puis diffusé l'image de la mort. La grande majorité des œuvres d'art macabres connues en Espagne étaient intrinsèquement liées au contexte monastique franciscain, et servaient de mises en garde spirituelles : accentuer la mort, à travers des représentations artistiques explicites mettant en scènes des cadavres décharnés, était un moyen d'insister sur l'idée que la chair était corruptible, et que seule l'âme du chrétien pouvait être sauvée, méprisant ainsi les vanités terrestres. Dès la genèse de la Conquête, l'évangélisation massive de la population autochtone par les pouvoirs religieux chrétiens allait prolonger cette attitude mortuaire caractéristique de la péninsule Ibérique, et ce vers un nouveau territoire. Cette entreprise d'évangélisation, bien aidée par les communautés monastiques outre-mer - notamment franciscaines -, permit de donner naissance à une nouvelle société qui n'avait d'autre choix que d'être constamment en lien avec la mort, ayant intégré l'au-delà de la spiritualité mésoaméricaine à la cosmogonie chrétienne.C'est dans ce nouveau territoire, enfant de deux cosmovisions différentes, que se développera une expression artistique macabre considérable, bien enrichie par la sensibilité baroque des Temps modernes. Peu de temps avant les indépendances des nations d'Amérique, nous trouvons en Nouvelle-Espagne une véritable culture de mort dont le symbole le plus parlant nous semble être La portentosa Vida de la Muerte (1792) du frère franciscain Joaquín Bolaños, dernière grande œuvre d'art macabre héritée de la tradition médiévale chrétienne. L'héritage de ces deux mondes sera d'une importance telle qu'il deviendra petit à petit un symbole de la culture mexicaine, à travers une tradition populaire mettant en scène davantage les morts que les vivants, phénomène que nous pouvons encore constater aujourd'hui dans le Mexique quotidien.