Thèse soutenue

La protection internationale des investissements dans la Caraïbe : une mosaïque complexe de méfiance et d'adaptation

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Auteur / Autrice : Milcar Jeff Dorce
Direction : Baptiste Tranchant
Type : Thèse de doctorat
Discipline(s) : Droit public
Date : Soutenance le 12/12/2022
Etablissement(s) : Bordeaux
Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale de droit (Talence, Gironde ; 1991-....)
Partenaire(s) de recherche : Laboratoire : Centre de recherche et de documentation européennes internationales (Pessac, Gironde ; 1990-....)
Jury : Président / Présidente : Loïc Grard
Examinateurs / Examinatrices : Pierre-François Laval
Rapporteurs / Rapporteuses : Arnaud de Nanteuil, Sabrina Robert-Cuendet

Résumé

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Ce travail de recherche retrace l’évolution de la protection internationale des investissements dans la Caraïbe. Il démontre que cette zone a d’abord longuement résisté, puis s’est adaptée aux exigences modernes du régime de protection internationale des investissements pour enfin contribuer à clarifier son contenu. À partir des années 1980 et 1990, un important changement de paradigme s’est opéré dans l’espace caribéen passant de la doctrine souverainiste de Calvo à une logique de protection transnationale des investissements déclenchée par la Convention pour le Règlement des différends relatifs aux investissements entre États et ressortissants d’autres États, conclue à Washington le 18 mars 1965. Plus techniquement, ce glissement paradigmatique s’est accompagné d’un agir politique libéral consistant à insérer dans les instruments juridiques nationaux, bilatéraux, régionaux et plurilatéraux des clauses modernes de procédure d’arbitrage investisseur-État et des garanties substantielles allant au-delà de la simple clause du traitement national. Cette réception du régime juridique contemporain des investissements a permis aux pays de la région de transcender l’hostilité traditionnelle à l’égard du droit international des investissements et de l’arbitrage international et d’abandonner leur fidélité historique à la juridiction locale pour trancher les litiges relatifs aux investissements. Cependant, sitôt découverte, cette discipline va connaître une crise de légitimité, due, entre autres, au caractère structurellement déséquilibré de la justice privée transnationale et à l’élasticité des standards de protection des investisseurs, comme le traitement juste et équitable et la protection contre l’expropriation (directe et indirecte). Il s’agit de notions généralement imprécises et floues dont les termes peuvent être interprétés de manière large, parfois au-delà de la volonté des Parties. De plus, il s’est avéré que l’interprétation et l’application de ces normes peuvent avoir de lourdes conséquences sur les politiques en matière de santé publique, de droits de l’homme et de protection environnementale. C’est probablement du fait d’un sentiment d’ « abandon de leur souveraineté » que des États se sont exprimés sévèrement contre le régime actuel de protection des investissements, par exemple au sein de l’Alliance Bolivarienne pour les Amériques (ALBA). L’ALBA a été l’écho d’un ensemble de préoccupations et de revendications dont la portée est internationale. Aujourd’hui, sous l’impulsion d’une composante progressiste de la doctrine et de la jurisprudence, les États se montrent de plus en plus favorables à un système de protection des investissements plus équilibréreflétant à la fois les intérêts des investisseurs et les considérations non essentiellement commerciales comme l’environnement, la sécurité, les droits des travailleurs ou le développement durable. Longtemps critiquée pour manque d’équilibre, de justice et de cohérence, la protection internationale des investissements est aujourd’hui dans une phase de renouvellement et les États caribéens entendent apporter leur pierre à la construction de cet immense édifice.