Influence de l’insight clinique sur le craving dans l'addiction : exploration aux niveaux inter- et intra-individuels
Auteur / Autrice : | Laura Lambert |
Direction : | Fuschia Serre |
Type : | Thèse de doctorat |
Discipline(s) : | Neurosciences |
Date : | Soutenance le 24/01/2022 |
Etablissement(s) : | Bordeaux |
Ecole(s) doctorale(s) : | École doctorale Sciences de la vie et de la santé (Talence, Gironde ; 1993-....) |
Partenaire(s) de recherche : | Laboratoire : Sommeil, Attention et Neuropsychiatrie |
Jury : | Président / Présidente : Georges Brousse |
Examinateurs / Examinatrices : Lucia Romo, Serge Ahmed, Valentin Flaudias, Ann Desmet | |
Rapporteurs / Rapporteuses : Xavier Noël |
Mots clés
Résumé
Introduction. L’addiction se définit comme la perte de contrôle de l’usage d’une substance ou d’un comportement persistant malgré les dommages. Le craving est une envie irrépressible, fluctuante et involontaire de faire usage, et un facteur de risque majeur de rechute. A l’aide de la méthode d’Évaluation Écologique Momentanée (EMA), de précédentes études ont établi un lien prospectif entre l’augmentation du nombre de cues (stimuli conditionnés à l’usage), l’augmentation du craving, et l’augmentation de la probabilité d’usage. En absence de biomarqueurs, le craving n’est accessible que par le ressenti et le rappel que l’on en fait, qui peut être influencé par les capacités de cognition, d’intéroception, et de métacognition. Ces capacités sont également impliquées dans l’insight clinique, ou conscience de sa maladie, dont l’altération contribue à moins d’adhérence aux traitements et plus de risque de rechuter. Il est donc possible que l’insight et le craving interagissent dans l’addiction. D’autre part, l’insight a toujours était étudié comme un trait stable dans l'addiction, mais des théories suggèrent qu’il pourrait présenter des fluctuations.L’objectif de cette thèse était d’examiner l’influence de l’insight clinique sur le craving, et sur la modification de l’usage dans l’addiction aux niveaux interindividuel et intra-individuel, afin d’examiner l’effet d’éventuelles fluctuations d’insight sur les liens cues-craving-usage.MéthodesDes sujets présentant une addiction à différentes substances et/ou comportements, et étant en soin ou non, ont été évalués. La Hanil Alcohol Insight Scale modifiée (m-HAIS) a permis d’évaluer l’insight clinique. La perception du besoin de traitement (PTN) a été modélisée en croisant la sévérité objective clinique, et le ressenti des sujets. L’EMA a servi à collecter en vie quotidienne pendant 14 jours le craving momentané, et l’insight clinique momentané grâce à la création de la Momentary Clinical Insight Scale. Des analyses factorielles et psychométriques ont testé sa validité. Des modèles multiniveaux HLM (Hierarchical Linear Model) ont examiné la fluctuation de l’insight et son impact sur le craving et sur les liens prospectifs cues – craving – usage.RésultatsAu niveau interindividuel, avoir un faible insight clinique (m-HAIS) ou un faible PTN était associé à moins de craving rapporté rétrospectivement. Des altérations de l’insight clinique et de la mémoire épisodique pourraient réduire la cohérence entre le craving rapporté sur l’instant, et a posteriori. D’autre part, avoir un moins bon insight était associé à plus de difficultés à arrêter ou modifier son usage lors des trois premiers mois de prise en charge.Au niveau intra-individuel, l’insight présentait des fluctuations quotidiennes, et une diminution de l’insight était associée à une diminution du craving dans les heures suivantes. En parallèle, une augmentation de craving entrainait une augmentation de l’insight dans les heures suivantes. En revanche, les fluctuations de l’insight clinique ne présentaient pas d’effet sur l’usage, et sur les liens cues – craving et craving – usage.ConclusionDans cette thèse, nous avons mis en évidence qu’avoir moins d’insight contribue à rapporter moins de craving a posteriori, et à présenter plus de difficulté à modifier son usage en début de traitement. L’étude EMA a permis de montrer pour la première fois que l'insight de l’addiction présente des fluctuations rapides, et qu’une diminution transitoire de l'insight s’associe à une diminution du craving auto-déclaré dans les heures suivantes. De la même façon, que le craving peut influencer l’insight. Toutes ces études soulignent l'intérêt clinique de prendre en compte l’insight, comme un facteur pouvant modifier le craving, cible centrale des prises en charge de l’addiction. Pour la recherche, nos résultats offrent de nouvelles perspectives pour appréhender les mécanismes sous-jacents à l’expression du craving, et son lien avec la rechute.